Commémoration de l’assassinat du journaliste arménien Hrant Dink


Le journaliste arménien Hrant Dink, qui a perdu la vie lors d’une attaque armée il y a 12 ans devant le journal Agos à Şişli, à Istanbul, a été commémoré le 19 janvier en Turquie et dans plusieurs villes du monde.

A Istanbul, sur l’ancien bâtiment du journal Agos, la photo de Hrant Dink ainsi que des banderoles portant l’inscription « Nous réclamons la justice », « Nous n’abandonnons pas Ahparig (frère) » et « Pour Hrant, pour la justice » posées par les amis de Hrant ont été suspendus.

A l’ouverture de la cérémonie, on a dit: «Nous sommes sur cette place depuis 12 ans. Nous continuons d’exiger que justice soit rendue à Hrant Dink, sur cette place ainsi que dans le monde entier. Cela fait 12 ans. Notre chagrin ne s’est pas apaisé. Notre demande est claire dès le premier jour: nous demandons justice.

«Nous sommes venus ici pour dire: ‘Cette affaire ne se terminera pas avant que nous le disions.’ Nous sommes venus ici pour dire ‘Hrant est toujours allongé sur ce trottoir’.

«Voici la tribune du journal de Hrant Agos, la tribune de Hrant lui-même. Écoutez la voix qui vient d’ici. Multiplions la voix qui vient d’ici. Tu nous manques, tu es dans nos cœurs ahparig… Nous aimerions que tu sois ici aujourd’hui. Cette place est une place où nous pouvons nous rapprocher en tant qu’amis. Peut-être que cette place est aussi la place où nous sommes les plus puissants. Hrant n’est pas ici depuis 12 ans, il n’y a pas eu de justice depuis 12 ans, il n’y a pas eu d’abandon depuis 12 ans.”

A cette occasion, à l’initiative de l’Association des Arméniens démocrates de Belgique, un requiem a été célébré le dimanche 20 janvier avec la participation de ses amis à l’église arménienne et devant le monument dédié au Génocide des Arméniens à Bruxelles.

Le message de Dogan Özgüden à l’hommage à Bruxelles

Ahparig Hrant, mon frère, mon confrère,

Tu as été assassiné il y a 12 ans… A chaque date anniversaire, non seulement ta famille, tes amis, tes collègues, non seulement la nation arménienne, mais tout le monde attaché aux causes de la démocratie et de la paix se réunit autour de ta mémoire, comme nous faisons ici dans la capitale européenne.

Hier, la commémoration devant ton journal Agos a pris une ampleur exceptionnelle en liant ton assassinat avec tous les crimes de l’Etat turc, depuis l’Empire ottoman jusqu’à nos jours.

Tout d’abord, un de tes proches amis, le grand mécène de la lutte démocratique Osman Kavala, t’a salué avec un message envoyé de la prison de Silivri. Comme centaines d’intellectuels de notre pay, il est toujours l’otage du régime islamo-fasciste de Recep Tayyip Erdogan.

Le lien de ton assassinat avec l’histoire honteuse de la république a été exposé par l’écrivaine Filiz Ali, fille de célèbre journaliste Sabahattin Ali, assassiné en 1948 par des agents de l’Etat turc.

Après avoir donné les noms des autres journalistes assassinés par les tueurs de l’état turc, elle disait: “Notre grande famille s’est agrandie de 1948 à 2007… Ils sont avec nous aujourd’hui. Ils demandent le sort de milliers de personnes qui ont été victimes de disparition forcée en Turquie depuis les années 1970. »

Cher Hrant, je vais encore plus loin… Depuis le génocide et la déportation des Arméniens en 1915, l’Etat turc héritier de l’Empire ottoman a assassiné en 1921 Mustafa Suphi et ses 14 camarades dans la mer noire… Il a assassiné en 1937 le leader kurde Seyyid Riza et ses 4 camarades et executé en 1971 trois leaders de la jeunesse progressiste, Deniz Gezmis, Yusuf Arslan et Hüseyin Inan…  En 1993 il a brulé vifs 35 opposants de l’obscurantisme islamiste à Sivas.

On n’oublie jamais non plus l’assassinat en 1982 de notre jeune ami arménien Nubar Yalim aux Pays-Bas.

Cet obscurantisme envahit toute la vie sociale, culturelle, économique et politique du pays depuis l’arrivée au pouvoir de Recep Tayyip Erdogan.

Douze ans après ton accès à l’éternité, nous te saluons malheureusement toujours avec des nouvelles révoltantes de nos terres natales…

Tout d’abord le procès sur ton assassinat qui n’a pas encore rendu la justice…

Depuis le coup d’état truqué il y a plus deux ans notre pays se trouve toujours sous le collimateur d’un régime répressif avec tous ses ingrédients : purges, arrestations, assassinats, tortures, et même exils forcés…

Après l’occupation d’Afrin en Syrie, l’Armée turque se prépare à l’invasion d’une grande partie de ce pays voisin jusqu’au désert Deir-ez-Zor, terre d’exil de la déportation inhumaine des Arméniens en 1915.

Dans ces jours encore plus noir, même si nous sommes en minorité, nous poursuivrons notre combat pour défendre les libertés et les droits des citoyens arméniens, assyriens, juifs, kurdes, turcs et yézidis.

Voici une petite information littéraire de cette année clôturée… Un livre écrit sur ton assassinat par une journaliste de Charlie-Hebdo, Le Sillon de Valérie Manteau, a reçu le prix Renaudot en France.

Oui, cher Hrant, ton nom reste toujours comme un symbole de la résistance et de l’espoir pour les défenseurs des droits humains et de la liberté de l’expression, non seulement pour nous, mais pour  le monde entier…

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