Publié sur Kedistan le 13 juillet 2017.

Cet article est basé sur une série d’entretiens réalisés à Kobanê en janvier 2017.
L’auteur, Margot Cassiers, est membre de l’équipe de l’Institut kurde à Bruxelles (Belgique).

Nous atteignons la ville le soir, mais à un moment où aucune obscurité n’est bienvenue. Nous sommes le 26 janvier 2017, le soir précédent, pour la ville de Kobanê, la célébration du deuxième anniversaire de sa libération de Daesh (IS). Le Cimetière des Martyrs, qui a été construit après la libération, est plein de vie et de lumière. Cette soirée est consacrée aux nombreux combattants qui ont donnés leurs vies – et à ceux qui continuent de le faire – pour protéger la ville et la région de Rojava de ses nombreux ennemis. À l’entrée du cimetière, des combattants et leurs amis dansent et chantent pour célébrer la victoire, à n’importe quel prix. Mais au-delà de l’acclamation, il y a le deuil et des prières intenses : le cimetière même est entièrement éclairé par des bougies posées sur chaque pierre tombale, pour un rappel visuel du nombre des victimes de cette guerre à Kobanê.

En janvier 2015, Kobanê devenait un symbole mondial de la résistance contre Daesh et de la victoire contre toutes les attentes. Un groupe de combattants de YPG/YPJ, petit et mal équipé, mais soutenu par des alliés de l’Armée Syrienne Libre et des peshmerga kurdes irakiens et avec du soutien aérien américain, a réussi à reprendre la ville de Daesh. Kobanê avait été assiégée depuis octobre 2014, ce qui avait généré près d’un demi-million de réfugiés vers la frontière turque. Bien que la plupart des habitants aient pu fuir avant l’arrivée de Daesh, environ 500 civils et 700 combattants ont perdu leur vie pendant le siège et la bataille qui ont suivi. Les parties de la ville qui étaient sous le contrôle de Daesh ont été entièrement reprises le 27 janvier 2015. Au cours des mois qui ont suivi, le reste du canton a également été reconquis. Cette victoire a été un tournant dans la guerre contre Daesh, et a changé fondamentalement la vision des combattants YPG et YPJ et leur image dans le reste du monde.

Deux ans plus tard, la guerre en Syrie continue, avec de nouveaux sommets d’horreur réguliers et avec une implication internationale de plus en plus complexe. Au milieu de cette guerre horrible, la région connue sous le nom de Rojava (depuis décembre 2016 officiellement nommée ‘Système Fédéral Démocratique de la Syrie du Nord’) a été relativement stable et a commencé à reconstruire sa société post-guerre, au sens le plus large du terme. Nous avons visité Kobanê, deux ans après sa libération, pour témoigner de la reconstruction d’une ville en ruines.

 Contrat social de la Fédération Démocratique de la Syrie du Nord

Les gens ici aiment leur terre

Kobanê est restée un symbole important de résilience et est devenu l’avant-garde des travaux de reconstruction dans la région. Ceci est péniblement nécessaire, car la ville a été retrouvée 80% détruite après la libération, avec des cadavres encore éparpillés dans les décombres.

Malgré la destruction énorme, les gens ont commencé à rentrer dans la ville très rapidement après la libération. Berivan (25), qui travaille pour l’administration du canton de Kobanê, explique. Elle, comme beaucoup d’autres habitants de Kobanê, a fui vers la région kurde en Turquie pendant le siège de Daesh. Après la libération, elle est revenue. “Tout était détruit”, se souvient-elle. “Mais la plupart des gens sont revenus immédiatement parce que les gens adorent Kobanê. Beaucoup de familles devaient vivre dans des maisons détruites. Mais ils l’ont fait, parce qu’ils aiment leur terre et ils ne voulaient pas partir.” Elle explique que, pour le moment, entre 216 000 et 300 000 personnes habitent dans tout le canton, dont 60 000 dans la ville-même.

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Berivan pendant la fête de la libération le 27 janvier 2017

Deux ans après la libération, la ville est encore largement détruite, mais bourdonne d’initiatives pour reconstruire. La force motrice de ces efforts de reconstruction est le Kobanê Reconstruction Board (KRB). L’organisation coordonne les travaux de reconstruction dans la ville et crée des bâtiments publics tels que les hôpitaux, les écoles, etc.

Dans les bureaux de KRB à la périphérie de la ville, nous rencontrons quelques femmes qui travaillent fort pour réaliser les efforts réalisés ici. Rosa (25) est ingénieur civil, Evin (21) fait la gestion financière et Fatima (40) fait du travail domestique. Les trois femmes ont travaillé pour KRB depuis le début et rappellent à quel point Kobanê a revécu dans ces deux années passés : “En février 2015, il n’y avait absolument rien ici. Il y avait encore des corps sous les débris. Ils n’y avaient pas d’écoles, il n’y avait pas assez de nourriture, pas d’eau, pas d’électricité…” La plupart des maisons de la ville ont de l’électricité pour douze à treize heures par jour. “Il y a toujours de l’eau maintenant. Il y a deux ans, on n’avait pas de légumes, maintenant presque tout le monde en a.”

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De gauche à droite : Rosa, Fatima et Evin

Cependant, ils restent de nombreuses difficultés qui entravent les efforts de reconstruction. L’accès à la région est bloqué de quatre côtés : Daesh, le régime syrien, la frontière avec la région kurde en Irak et la frontière turque.

Anna (pas son vrai nom) est une architecte étrangère qui s’engage pour le KRB. Elle a passé environ cinq mois à Kobanê en 2016 et vient de reprendre son travail pour quelques mois. Elle explique que KRB a été créé juste après la guerre, par certains ingénieurs du Bakur, la région kurde en Turquie. À l’époque, il y avait un accès facile à Kobanê par la Turquie, une situation qui a malheureusement changé complètement à ce stade. (Au début de Juin 2017, les autorités turques ont terminé un mur de 700 km de long sur la frontière syrienne-turque.)

Anna précise que KRB est composé de six ingénieurs, deux coordinateurs, quatre gestionnaires financiers et environ 400 travailleurs. En parlant du travail de l’organisation, elle dit que dans son fonctionnement quotidien, la gestion des ressources est encore plus importante que le design. “C’est parce que nous devons gérer la situation avec des ressources très limitées. Nous sommes dans une zone de guerre, donc nous ne pouvons rien perdre, car cela pourrait signifier un manque de matériel pour d’autres projets.”

Malgré le travail accompli, Anna sait que la reconstruction de Kobanê prendra du temps. “Nous ne traitons pas seulement d’un manque de ressources. Toutes les infrastructures sont ruinées et, à cause de l’embargo, nous ne pouvons rien importer. Cependant, malgré ces circonstances difficiles, le travail va bien.” Anna a visité Kobanê pour la première fois en mars 2015 et elle est vraiment impressionnée de voir combien a été réalisé depuis lors.

Le travail de reconstruction qui se déroule à Kobanê n’est pas seulement un travail technique, mais a aussi une dimension idéologique importante. La ville, comme le reste de Rojava, est reconstruite selon les principes de la démocratie fondamentale, l’égalité entre les sexes, le respect écologique et l’économie alternative, et selon les analyses du dirigeant emprisonné du PKK Abdullah Öcalan sur le confédéralisme démocratique. Cela a notamment attiré Anna pour participer aux efforts de reconstruction. Elle est originaire d’un pays du Moyen-Orient elle-même et elle croit que les efforts visant à reconstruire fondamentalement la société qui se font ici, pourraient inspirer le reste de la région. C’est pour cela que Anna voulait prendre part à ce qui se passe au Rojava et soutenir le mouvement plus large qui organise les efforts de reconstruction ici – et elle n’est pas seule. Anna a plusieurs autres amis internationaux qui sont venus dans la région pour aider là où ils peuvent, ce qui pour certains signifiait un engagement armé. Pour Anna, cela signifiait utiliser ses compétences architecturales pour aider à reconstruire Kobanê.

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Ce qu’elle aime en particulier à propos de KRB, c’est qu’il existe une croyance profonde de ne pas limiter le travail aux normes académiques ou bureaucratiques et de ne pas se comporter comme des technocrates. Plutôt, il faut avoir une approche éthique de tout. Par exemple, si un ingénieur n’a pas de bonnes relations avec les travailleurs, il ne sera pas accepté. Tout le système est basé sur des questions telles que comment pouvons-nous travailler ensemble et créer quelque chose ensemble, au lieu de simplement faire ce qu’une classe d’élite intellectuelle nous dit de faire.

Cependant, travailler comme jeune architecte et coordinatrice de projets n’est pas une chose facile dans le contexte culturel de Kobanê. Pour Anna, c’est précisément pour cela que le travail au KRB est tellement intéressant : “Ici, tu dois être impliqué dans tout, tu ne peux pas juste t’asseoir dans ton bureau, peu importe si tu es un homme ou une femme. Au début, il était difficile pour les travailleurs, de faire un projet mené par une jeune femme. Mais c’est précisément le but de la révolution : de faire participer activement toutes les femmes. Et après deux mois, les deux ingénieurs féminins du KRB avaient leurs propres projets.”

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Nous nous sommes réveillés et nous ne pouvons pas retourner en arrière

Quand on lui demande quel projet l’a touché le plus, Anna pense immédiatement à une Maison des femmes qui sera gérée par Kongra Star. Elle explique que “Le cœur de la révolution est là. Elles sont le moteur de changement le plus important, car elles créent de nouvelles règles et changent activement la société.”

Kongra Star est une confédération de femmes et d’organisations de femmes dans toute la région de Rojava. Une réunion, quelques jours plus tard, avec six femmes qui coordonnent le travail de Kongra Star à Kobanê, met en lumière la révolution féministe qui est devenue le symbole des changements sociétaux au Rojava. Les femmes expliquent que Kongra Star comprend 26 organisations, qui tiennent chacune des réunions chaque mois. Les représentants de ces organisations se rencontrent régulièrement et les coordinateurs de Kongra Star Kobanê se voient même chaque semaine. Chaque quartier a une organisation de femmes et toutes sont représentées au bureau central de Kongra Star à Kobanê. Ici, elles organisent des réunions et des ateliers et c’est là que les gens viennent quand ils ont des problèmes. Elles expliquent en outre que toutes les femmes des organisations, mais aussi les femmes qui travaillent pour l’administration cantonale, etc., doivent toutes être approuvées par Kongra Star. Personne ne peut décider pour les femmes si quelqu’un est bien ou non, ils peuvent formuler une critique, mais ils ne peuvent pas décider pour elles.

Un des objectifs les plus importants de Kongra Star est de changer la mentalité des gens du Rojava, ce qui est encore largement une société patriarcale basée sur des structures tribales. Pour cette raison, Kongra Star organise des ateliers obligatoires sur divers sujets, dont l’histoire du Kurdistan, l’histoire de la femme, l’histoire du Moyen-Orient, l’autodéfense, la jinéologie (des études de la femme kurdes), l’hygiène, l’économie alternative, le confédéralisme démocratique, etc.

 Qu'est-ce que la jinéologie ?
Document mis à votre disposition par le Mouvement International des Femmes Kurdes

À la base de ces efforts est une liste de 28 principes qui traitent de sujets tels que le mariage, le divorce, la violence domestique, les droits des femmes, les enfants, les relations familiales, etc. Les principes stipulent, par exemple, que des mariages avec des enfants ou des mariages forcés ne sont pas autorisés et que toutes les organisations devraient inclure les femmes. La liste a été créée en fonction des propositions des femmes en 2014, qui ont ensuite été discutées dans les trois cantons en 2015 et ont été modifiées et formulées au cours de nombreuses réunions. Les principes ont été mis en pratique en 2016.

Ces principes sont présentés et enseignés pendant des sessions de formation. Il est important de noter que ces séances de formation sont également pour les hommes, car “si on veut changer quelque chose, on doit changer toute la société”, comme une des femmes l’explique. Quand on demande si cela était difficile pour les hommes, les femmes répondent : “Nous avons parlé avec la société de ces principes. Tout le monde ne peut pas les accepter au début. C’est pour cette raison que nous organisons des séances de formation, pour aider les gens à changer les anciennes opinions qu’ils ont.” Un d’eux ajoute : « Lorsque nous avons discuté de ces sujets avec différents groupes dans la société, certains hommes nous ont dit que ces principes auraient peut-être dû être écrits 10 ans en arrière. Ils disaient qu’ils ont appris leurs propres façons de voir les choses de leurs pères.

Lorsqu’on leur demande si ces changements dureront, les femmes sont fermes “Avant, nous, les femmes, restions toujours dans nos maisons. Maintenant, nous avons survécu à une guerre, maintenant nous nous sommes réveillées et maintenant nous ne pouvons pas retourner.”

Cinq médecins sont restés

Malgré le travail idéologique pour changer la société de Kobanê vers l’avenir, la ville est encore en proie à ce qui se passe aujourd’hui dans la région. La gravité de la situation plus largement au Rojava influe sur les personnes à Kobanê. Cela devient devient clair quand nous rencontrons un groupe de médecins du ministère de la Santé.

Les médecins expliquent qu’ils y ont trois organisations qui travaillent sur des problèmes de santé à Kobanê : le ministère de la Santé du canton de Kobanê, Heyva Sor (Croissant-Rouge kurde) et l’assemblée des médecins. Le ministère de la Santé fait le travail officiel et coordonne les pharmacies et les hôpitaux. Heyva Sor fait le travail pratique et organisationnel et fait des rapports tous les mois avec un aperçu de tous les malades. L’assemblée est composée de treize organisations, ainsi que de la municipalité et des bénévoles, et fait des évaluations des besoins de la population en matière de santé.

Il y a deux hôpitaux à Kobanê : un général et un pour les femmes et les enfants. Remarquablement, les deux hôpitaux fonctionnent sans financement : obtenir de l’aide est gratuit là et les médecins fonctionnent sans salaire. Les docteurs expliquent que tous ceux qui travaillent dans les hôpitaux travaillent pour Heyva Sor et qu’ils n’acceptent pas un salaire, juste ce dont ils ont besoin pour survivre. Un des docteurs explique que pendant la résistance, lorsque Daesh était à Kobanê, seulement cinq médecins sont restés. Actuellement, ils sont 53 médecins dans tout le canton.

Quand on leur demande si la situation s’était améliorée depuis deux ans, les médecins disent que la situation a en réalité empiré. “Le problème est que les hôpitaux de Kobanê sont les seuls qui sont libres de Manbij à Raqqa, donc beaucoup de gens viennent ici, même de l’extérieur du canton et même pour des accouchements.” Par conséquent, Kobanê est devenu un centre d’urgence pour les soins de santé dans la région.

 Dr. Dorpec, “Kobanê a transformé ma vie”

Cependant, comme toutes les choses à Kobanê, le travail des organisations de santé est sévèrement limité en raison du blocage et de l’embargo actuel. Comme un des médecins l’explique : “Nous sommes dans une zone entourée par la guerre sur quatre côtés. La guerre s’est propagée et maintenant  le Bakur (la région kurde en Turquie) est également sous attaque.” En conséquence, il y a un manque chronique de médicaments. Par exemple, ils existent de nombreux diabétiques à Kobanê qui ont besoin de médicaments, mais il n’y a que des médicaments pour les conditions les plus urgentes.

Le problème n’est pas seulement que les médicaments ne peuvent pas être introduits dans la région, mais aussi qu’on ne peut pas envoyer des personnes malades à travers la frontière pour obtenir un meilleur traitement médical. Et, surtout, il existe un besoin urgent de machines et d’autres structures et aides médicales. Des nombreuses formes d’équipement qui sont prêts à être envoyés sont bloquées à la frontière, y compris les ambulances. Les machines nécessaires à Kobanê comprennent : des machines de dialyse, les balayages CT et les machines ECG / EKG. Un des médecins l’explique : “Parfois, les gens sont paralysés à cause, par exemple, d’une blessure par balle. C’est possible que nous puissions les aider facilement, mais parce que nous n’avons pas de balayage, nous ne pouvons même pas correctement localiser la balle. Si nous pouvons obtenir certaines de ces machines, nous pourrions sauver plus de vies et aider les personnes qui sont condamnées à souffrir maintenant.”

Quand on leur demande quels sont les principaux problèmes de santé et maladies, les médecins répondent que la plupart des gens subissent encore des blessures à cause de la guerre, comme des blessures par balles ou des blessures par mines. En plus, le fait que c’est l’hiver au moment de l’entrevue entraîne également de nombreux problèmes. Les médecins se rappellent que deux enfants sont déjà décédés cet hiver dans un des camps de réfugiés, à cause du froid. Il y a beaucoup de réfugiés d’autres parties de la Syrie dans la région, qui restent principalement dans des camps et des villages près de Kobanê. Heyva Sor essaie d’obtenir de l’aide pour ces camps à Kobanê, mais comme ces personnes n’ont rien elles-mêmes, elles essaient d’éviter d’être une autre charge pour une ville qui se reconstruit encore.

Au milieu de tous ces problèmes, il y a peu d’aide des organisations internationales. Médecins Sans Frontières est la seule organisation médicale étrangère présente dans la région, mais ils n’ont pas de personnel médical, ils ne fournissent que des médicaments à un seul hôpital. Le problème, selon les médecins, est que souvent des organisations internationales qui veulent aider la région, ont peur de s’installer dans la région elle-même et utilisent plutôt Istanbul ou Gaziantep comme point de référence. Cela signifie qu’ils sont fortement influencés par les points de vue politiques turcs. En outre, les docteurs expliquent que les groupes avec lesquels ces organisations travaillent, pour obtenir de l’aide à Rojava, en réalité, prennent les choses elles-mêmes, ce qui signifie qu’elles finissent souvent chez Daesh. Un des médecins estime même que, de toute l’aide envoyée à la région, environ huit pour cent seulement arrive. Les médecins insistent pour que les organisations internationales aient le courage d’établir des sièges directs dans la région, car toute aide envoyée par d’autres moyens n’arrive pas là où elle est supposée arriver. Ils soulignent l’importance de l’accès direct à l’aide : “Nous avons toujours demandé à ouvrir un couloir humanitaire et continuer à le faire, car cela est essentiel pour notre survie.”

Comment est-ce que les médecins voient l’avenir médical de Kobanê ? L’aide médicale peut-elle rester gratuite ? Un d’entre eux explique que l’argent n’est pas le problème, les fournitures médicales le sont. “En outre, pour des raisons morales, nous ne pouvons pas demander de l’argent à des gens qui n’ont rien eux-mêmes. Tous les médecins ici travaillent gratuitement, parce qu’ils connaissent la situation. La santé est un droit humain fondamental et les droits de l’homme sont essentiels pour nous, donc ils n’auront aucun coût.”

Il continue de ce qu’il compte vraiment : “Nous n’avons besoin de rien, comme de nouveaux vêtements ou quelque chose, nous avons tout ce dont nous avons besoin pour survivre. Cependant, ce que nous voulons, c’est de vivre honorablement. C’est pourquoi nous avons combattu et pourquoi nous faisons ce que nous faisons : aider à construire un système, où chacun peut obtenir gratuitement l’aide dont ils ont besoin. Nous espérons que ce que nous construisons survivra et continuera à prospérer.”

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La ville célèbre, mais les cicatrices restent

Le vendredi 27 janvier 2017, des centaines de personnes se rassemblent dans le centre de Kobanê pour célébrer le deuxième anniversaire de la libération de Daesh et pour se souvenir des sacrifices que cela a pris. Le festival est organisé par l’auto-administration locale et comprend la musique et la danse, ainsi que des discours des dirigeants politiques et militaires. Les centaines de personnes présentes sont des familles avec enfants, des combattants, des jeunes locaux et des aînés de la ville. Les gens dansent, célèbrent et se retrouvent avec leurs proches. Tout autour de la célébration sont placés des tireurs d’élite et des gardes armés sur les bâtiments, qui regardent la scène des festivités et surveillent l’environnement.

Le coût continu de la guerre devient clair le jour après la célébration de la libération, lorsque nous participons aux funérailles de cinq combattants au Cimetière des Martyrs. Les cinq étaient originaires de Kobanê et ont été tués dans une bataille près de Raqqa deux jours avant. Il semble que toute la ville était présente au cimetière ce matin-là, où cinq cercueils sont alignés sur une grande scène dans la partie centrale du cimetière. Derrière eux se trouvent des bannières et des portraits d’autres martyrs, tandis que des slogans et des chansons victorieuses sont jouées.

Le contraste est fort entre la grande cérémonie sur la place centrale et l’image dans le champ de sépulture lui-même, où des mères en pleurs et des jeunes silencieux se rassemblent autour des tombeaux de leurs proches. Un combattant solitaire en uniforme se promène autour de quelques tombes, s’arrêtant sur des noms qu’il reconnaît. Beaucoup vont au cimetière lors des cérémonies comme celle-ci, pour pleurer sur leurs propres pertes personnelles. Ce domaine regroupe de nombreux jeunes, de nombreux sacrifices. Et pourtant, le lendemain des funérailles, les machines de construction travaillent à nouveau pour rendre le cimetière plus grand, pour les nouvelles pierres tombales qui devraient suivre. Il est important de rappeler que la guerre dans la région reste en cours et qu’elle continuera à causer des pertes.

Réaliser ces circonstances difficiles rend les efforts de reconstruction à Kobanê d’autant plus impressionnants et importants. Les résidents de Kobanê qui sont rentrés chez eux au début de 2015 ont trouvé une ville réduite aux décombres. Deux ans plus tard, Kobanê reste marqué par la proximité immédiate d’une guerre inhumaine, mais est devenu un symbole d’espoir et d’inspiration pour les gens de la région et au-delà. Nous étions témoin d’une société qui est en train de reconstruire son infrastructure, sa culture et sa santé, en dépit de nombreux obstacles et dans un contexte incroyablement difficile. Mais ce qui se passe à Kobanê et au Rojava est fragile et reste confronté à l’adversité à tous les niveaux. Les personnes de Kobanê auront besoin d’un soutien et d’une collaboration internationale pour survivre au milieu du chaos des champs de bataille de plus en plus complexes de la Syrie.

Evin, âgé de 21 ans, qui fait la gestion financière au Kobane Reconstruction Board, est enceinte. Quand on lui demande si elle a des vœux pour son enfant à naître, elle répond : “Nous voulons juste un endroit sûr où les enfants peuvent grandir. Je veux que mon fils grandisse en liberté. Les gens ici ne se soucient pas des lieux particuliers, ils ne sont pas sensibles à des choses comme les bâtiments. Ils veulent juste voir leurs enfants grandir et vivre.”

Kobanê célèbre le deuxième anniversaire de sa libération de Daesh • Photos Margot Cassiers

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Enterrement de cinq combattants de Kobanê • Photos Margot Cassiers

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