En ce mois d’avril 2005, l’Humanité commémore le 90ème anniversaire de l’une des pires tragédies à laquelle elle a été confrontée, le Génocide des Arméniens. Il y a 90 ans, le 24 avril 1915, le gouvernement Jeune-Turc de l’Empire ottoman déclenchait, organisait et exécutait la destruction délibérée du peuple arménien. En moins de deux ans, les 2/3 des 2 500 000 Arméniens qui vivaient dans l’Empire ottoman, ainsi que plusieurs centaines de milliers d’Assyro-Chaldéens, ont froidement et méthodiquement été exécutés ; hommes, femmes et enfants.
Ce génocide réalisé après les " coups d’essai " de 1894-1896 (300 000 morts arméniens) fut en tout point conforme à la définition donnée par la Convention de 1948 sur la Prévention et la Répression du Crime de Génocide. Il a été perpétré dans l’objectif d’extirper un peuple tri-millénaire de ses terres ancestrales afin de transformer un pays multiethnique et pluriconfessionnel en club " purement turc ". Aujourd’hui, il reste moins de 50 000 Arméniens en république de Turquie.
En ce mois d’avril 2005, nous voulons tout d’abord honorer la mémoire des victimes innocentes de cette idéologie totalitaire, qui furent exécutées non en raison de ce qu’elles firent mais en raison de ce qu’elles étaient.
Nous saluons les courageuses et nécessaires résolutions par lesquelles le Parlement européen d’une part, et le Sénat de Belgique d’autre part, ont reconnu ce génocide en tant que tel, respectivement le 18 juin 1987 et le 8 octobre 1997.
Nous enjoignons en conséquences les autorités de Belgique, et au-delà, celles de l’Union européenne à ne pas se montrer oublieux de cette tragédie, qui relève aussi de leur propre Histoire tant par la longue tradition d’échange et d’amitié avec le peuple arménien, par le rôle moteur que celui-ci joua et continue de jouer dans la diffusion de l’humanisme européen aux limites de notre continent, que par l’implication déterminante et accablante des puissances européennes dans la genèse de ce génocide.
Nous leurs demandons en particulier de mettre en œuvre une politique effective de la Mémoire relative au Génocide des Arméniens, notamment à travers l’adaptation des programmes scolaires et l’élaboration d’un matériel pédagogique spécifique, afin que les générations futures soient prévenues contre les épouvantables prédispositions mortifères des idéologies raciales et afin que, par opposition, cet enseignement apporte sa pierre à l’édification morale des valeurs humanistes de Droits de l’Homme et d’Etat de droit qui fondent nos démocraties.
Nous leurs demandons aussi de prendre les dispositions nécessaires à l’interdiction légale et à la sanction pénale de toute forme de négationnisme et de révisionnisme à l’encontre de ce génocide. Nous réaffirmons que le négationnisme n’est pas une opinion mais constitue la continuation du crime de génocide. Nous constatons qu’un négationnisme virulent et haineux perdure à l’encontre du Génocide des Arméniens. Nous notons que ce négationnisme procède en grande partie de l’Etat turc actuel, dont il constitue une doctrine officielle et immuable et qu’un tel négationnisme d’Etat constitue la spécificité du Génocide des Arméniens. Nous considérons qu’il n’en est que plus dangereux et plus scandaleux. Nous considérons en outre que la permissivité dont jouit ce négationnisme fait non seulement peser une menace sur la paix civile entre les différentes communautés installées dans nos régions mais compromet gravement l’intégrité morale de notre système de valeurs.
Nous appelons concurremment les médias de Belgique et d’Europe à davantage considérer l’histoire de ce génocide, dans ses causes, son déroulement et ses conséquences, et notamment dans ses conséquences actuelles. Nous souhaitons qu’ils puissent par ce biais parfaire en toute responsabilité leur mission d’information, qu’ils puissent approcher avec rigueur la vérité historique et l’analyse des mécanismes actuels de négation, et qu’ils sachent éviter les écueils et les dommages d’une information amalgamée présentant sous un même jour les faits objectifs, les présentations édulcorées et les négations flagrantes ou fallacieuses.
Nous demandons enfin à l’ensemble des organisations et des partis politiques de Belgique et d’Europe, ainsi qu’aux différents corps constitués de nos systèmes démocratiques de favoriser la paix et le dialogue sur la base préalable d’une reconnaissance pleine et entière du Génocide des Arméniens. Nous leur demandons d’inscrire cette reconnaissance dans leur ligne d’action politique vis-à-vis d’eux-mêmes et vis-à-vis de leurs interlocuteurs nationaux et internationaux. Nous leur demandons en particulier d’agir auprès de l’Etat turc pour l’amener enfin à reconnaître son passé, sans complaisance et sans complicité, et pour ainsi ouvrir la voie à la construction d’un avenir pacifié et réconcilié pour la Turquie et pour l’Europe.

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