Nous avons réuni des spécialistes et des académiciens de la langue kurde qui vont présenter leurs recherches pendant ces deux jours de congrès afin de débattre sur les spécificités et les problèmes de la langue kurde aujourd’hui“, explique Rojan Hazim, Président de la commission linguistique du KNK. “Par exemple, l’un des problèmes rencontrés par la langue kurde dans le cadre de sa normalisation est l’usage de différents alphabets (latin, arabe ou cyrillique) : les Kurdes du Sud utilisent l’alphabet arabe, les Kurdes du Nord l’alphabet latin tandis que certains groupes vivant dans les pays de l’ex-Union soviétique utilise l’alphabet cyrillique, tout cela pose un certain nombre de problème car nous cherchons à unir les différents alphabets. Il existe actuellement un large consensus pour opter pour l’alphabet latin mais cela risque évidemment de prendre un certain temps. Il existe aussi d’autres problèmes en matière d’enseignement qui découle justement de la langue mais aussi du matériel scolaire visant l’apprentissage et la promotion de la langue kurde. L’objectif de ce congrès, qui devrait se réunir tous les deux ans, est de pouvoir débattre de ces questions afin d’aboutir à la création d’un Conseil de supervision et de proposition à caractère normatif en matière de pédagogie et d’éducation de la langue kurde dans le monde“.

Interrogé sur les difficultés d’apprentissage de la langue kurde, Rojan Hazim rappelle que la Turquie reste le pays qui compte le plus grand nombre d’interdits relatif à la langue et à la culture kurdes et ces interdictions restent toujours en vigueur malgré les nouvelles volontés d’ouverture exprimées par le pouvoir politique. Cela a pour conséquence qu’environ 30 millions de Kurdes ne peuvent pas s’exprimer dans leur langue maternelle et éduquer leurs enfants dans leur langue maternelle. Nous voulons justement parler de cette politique d’assimilation forcée pratiquée par la Turquie envers les Kurdes. En Iran ou en Syrie également il n’existe pas de liberté d’enseignement en langue kurde mais au moins dans ces pays l’usage de la langue kurde n’est pas interdit. Le seul endroit où la langue kurde est reconnue comme une langue officielle et comme langue d’enseignement est la région autonome du Kurdistan irakien. Le problème de l’enseignement de la langue kurde ne se limite pas à ces régions lointaines puisque nous allons aussi débattre des problèmes d’enseignement au sein de la diaspora kurde dans les pays européens ou ailleurs. Les pays de l’Union européenne n’ont pas vraiment une politique linguistique spécifique à l’égard de la langue kurde mais tout est question de volonté. Actuellement, le meilleur endroit où les Kurdes peuvent vivre en paix tout en pratiquant leur langue reste le Kurdistan irakien.

Jugeant le soutien des nationalistes flamands comme “quelque chose de normal” étant donné que “les Flamands aussi ont été victimes dans l’histoire d’une certaine politique d’assimilation linguistique de la part d’un Etat belge francophone“, Rojan Hazim remarque que “la lutte des Flamands s’est soldée par la liberté d’usage et d’enseignement de la langue flamande au sein et avec le soutien de l’appareil étatique, nous espérons aboutir à une fin aussi heureuse“.

L’écrivain kurde Medeni Ferho ajoute que “la langue kurde est toujours une langue interdite en Turquie malgré l’existence de la chaîne de télévision officielle en langue kurde TRT-6 qui agit plutôt comme un outil visant à contrer la lutte légitime pour la liberté de la langue kurde. D’ailleurs la chaîne officielle en langue kurde créé par le pouvoir turc est une création illégale par rapport aux lois qui existent en Turquie. D’un côté, ils financent des programmes en kurde et d’un autre côté la justice turque condamne des journalistes pour avoir écrit en kurde, c’est complètement illogique“. Medeni Ferho rappelle que ”la langue kurde se décline en 5 dialectes : le kourmandji, le zaziki, le sorani, le kelhouri et le louri. Nous travaillons pour essayer d’unir ces dialectes parce qu’actuellement les Kurdes ne sont pas que divisés territorialement en vivant dans différents Etats mais ils sont également divisés linguistiquement et n’arrivent donc pas toujours à se comprendre mutuellement. A la radio où je travaille, on diffuse les informations aussi bien en kourmandji qu’en sorani et les différences commencent petit à petit à s’estomper. Si un Conseil pouvait garantir une unité linguistique à la langue kurde, on assistera au développement d’une langue incroyablement riche. Pour vous donner un exemple, on a déjà recensé environ 90.000 mots en kourmandji, soit pour un seul dialecte, auquel on devra encore ajouter les mots des autres dialectes pour aboutir à une langue très riche et très diversifiée. L’élément le plus paradoxale dans cette affaire d’assimilation linguistique est que, parmi les différents peuples qui les entourent, les Kurdes ont le plus aidé les Turcs et c’est en Turquie qu’ils souffrent le plus en matière linguistique notamment. Ni en Iran, ni en Syrie, ni en Irak, la langue kurde n’a jamais été interdite. Malheureusement, la mentalité qui consiste à nier une identité, une culture et une langue kurdes n’a toujours pas disparu en Turquie et sans un changement et une reconnaissance formelle et juridique de cette identité, il n’y aura pas de solution au problème kurde en Turquie“.

Le député flamand Matthias Diependaele (N-VA) précise que “le but de ce congrès est de s’intéresser à la langue kurde et à l’enseignement de la langue kurde. A partir de la Flandre, nous voulons porter un regard sur le Kurdistan afin d’abord de pouvoir se connaître mutuellement. Je rappelle que la Flandre a aussi vécu un long combat pour la reconnaissance linguistique et a dû se battre pour sauvegarder sa langue contre la francisation que nous constatons encore aujourd’hui à Bruxelles. Les situations ne sont évidemment pas identiques mais il existe certains parallélismes entre la Flandre et la situation kurde et nous avons pensé que c’était une bonne chose d’en parler et de voir quels types de solution nous pouvions s’échanger. Nous voulions aussi rappeler aux Kurdes qu’il y avait des gens en Flandre et ailleurs en Europe qui soutiennent le combat du peuple kurde en Turquie, en Iran, en Syrie et en Irak. Mais, comme je l’ai précisé dans mon discours, tout peuple a le droit de se battre pour l’autodétermination mais nous ne soutenons pas l’usage de la violence. Nous appelons donc tant le PKK que l’Etat turc à ne pas user de la violence pour résoudre ce conflit et nous les invitons à s’asseoir autour d’une table pour dialoguer. Ces derniers mois, il y a eu un certain nombre d’initiatives tant du côté turc que du côté kurde, nous soutenons évidemment ce genre d’approche“.

(PARLEMENTO – INDEPENDENT NEWS AGENCY)

Parlemento.com

http://parlemento.wordpress.com/2009/11/11/congres-sur-la-langue-kurde-parraine-par-la-n-va/

L’agence de presse des minorités

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