Peu après 07h30 locales (04h30 GMT), les forces de l’ordre sont intervenues manu militari sur la place, le coeur de la mobilisation antigouvernementale, repoussant les quelques centaines de protestataires qui y avaient passé la nuit en tirant des grenades lacrymogènes ou des billes de plastique et en utilisant des canons à eau.

Sitôt l’apparition de la police, des groupes de manifestants casqués et équipés de masques à gaz ont riposté par des jets de pierre et de cocktails Molotov.

“Nous allons nous battre, nous voulons la liberté. Nous sommes des combattants de la liberté”, a déclaré à l’AFP l’un d’eux, Burak Arat, 24 ans, qui a passé la nuit dans le parc Gezi, ce petit jardin public dont la destruction annoncée a donné le coup d’envoi le 31 mai à la fronde antigouvernementale qui agite toute la Turquie.

Après trois heures d’échauffourées, les forces de l’ordre sont parvenues à éloigner les contestataires du centre de la place. La plupart des drapeaux et des banderoles qui hérissaient Taksim ont été rapidement enlevées et des pelleteuses ont démantelé les barricades érigées dans la plupart des rues menant à la place

“Le spectacle (de ces manifestants) a contrarié la population (…) et terni l’image du pays aux yeux du monde”, a justifié le gouverneur d’Istanbul, Hüseyin Avni Mutlu, lors d’une conférence de presse.

La police n’est, par contre, pas intervenue dans le petit parc Gezi, ce jardin public adjacent à Taksim dont la destruction annoncée a donné le coup d’envoi le 31 mai à la fronde antigouvernementale qui agite aujourd’hui toute la Turquie.

“Est-ce que vous pouvez croire ça ? Ils attaquent Taksim et nous gazent ce matin alors qu’ils ont proposé hier soir de discuter avec nous ?”, s’est interrogé Yulmiz, un manifestant de 23 ans. “Nous n’abandonnerons pas le parc”, a-t-il assuré, “ils peuvent envoyer des milliers de policiers s’ils veulent”.

La reprise, symbolique, de la place Taksim intervient au lendemain de l’annonce d’une rencontre, prévue mercredi, entre M. Erdogan et des représentants de la contestation, qu’ils a présentés à longueur de discours comme des “pillards” ou des “extrémistes”.

Fermeté

 “Notre Premier ministre a donné rendez-vous à certains des groupes qui organisent ces manifestations”, a déclaré lundi soir le vice-Premier ministre Bülent Arinç à l’issue du conseil des ministres, “notre Premier ministre écoutera ce qu’ils ont à dire”.

En même temps que ce premier geste concret d’apaisement du chef du gouvernement, M. Arinç avait ajouté que “les manifestations illégales ne (seraient) plus tolérées en Turquie”, ouvrant la porte à l’intervention de mardi matin.

Les forces de l’ordre avaient quitté Taksim le 1er juin, après vingt-quatre heures presque ininterrompues d’affrontements avec les manifestants.

Des centaines de manifestants étaient venus dénoncer la brutalité avec laquelle la police avait évacué le parc Gezi à l’aube du 31 mai. Plusieurs centaines de militants associatifs l’occupaient pour dénoncer l’arrachage des 600 arbres du parc dans le cadre d’un projet contesté d’aménagement de Taksim.

Depuis le retrait de la police, la place du centre d’Istanbul a accueilli tous les soirs des milliers de personnes, parfois des dizaines de milliers, qui exigent la démission de M. Erdogan, accusé de dérive autoritaire et de vouloir “islamiser” la société turque.

Dimanche, le Premier ministre avait nettement durci le ton en multipliant les harangues publiques contre les contestataires, devant des milliers de partisans de son Parti de la justice et du développement (AKP) .

“Ceux qui ne respectent pas le parti au pouvoir dans ce pays en paieront le prix”, a lancé le dirigeant turc à Ankara, “si vous continuez comme ça, j’utiliserai le langage que vous comprenez, parce que ma patience a des limites”.

Sûr du soutien d’une majorité de Turcs, le Premier ministre a adopté un ton très ferme depuis le début de la crise, en renvoyant les contestataires aux élections municipales de 2014 pour exprimer leur mécontentement.

En 2011, son Parti de la justice et du développement (AKP), issu de la mouvance islamiste, avait recueilli 50% des suffrages.

Son intransigeance a valu à M. Erdogan de nombreuses critiques dans le monde entier, notamment de la part de son allié américain, de l’Union européenne (UE) et des organisations de défense des droits de l’Homme, qui ont dénoncé le recours excessif à la force par la police turque.

Selon le dernier bilan publié vendredi par le syndicat des médecins turcs, trois personnes, deux manifestants et un policier, sont morts et près de 5.000 blessées, dont plusieurs dizaines très grièvement, depuis le début des manifestations. (AFP,11 juin 2013)

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