Depuis 1963 la Turquie frappe à la porte de l’Europe. Malgré cette longue attente, sa demande de candidature à l’UE n’a été consentie qu’en 1987, sous le gouvernement de Turgut Özal. Depuis le début, l’UE considère la Turquie comme un potentiel économique et de main d’œuvre moins marché. Conjointement, l’importance géopolitique de ce pays a été ainsi déterminante dans l’approche des premiers pays membres de l’UE. Cependant, le niveau entre en jeu et se repère la différence idéologique. En effet, le degré d’utilité d’une Turquie musulmane à l’UE chrétienne est sujet d’innombrables débats. L’identité idéologique de la Turquie retient beaucoup plus d’attention, plus particulièrement depuis le 12 juin 2006, autrement dit, depuis le commencement officiel des négociations. Nous savons que, tant les Chrétiens Démocrates au Parlement Européen, que les partis politiques ; le CDU en Allemagne et l’UMP en France, accordent une importance primordiale à cet aspect. Ce qui, plus concrètement, semble rallonger la route devant la Turquie.

Après le commencement des pourparlers, le premier rapport de la Commission Européenne, relatif à l’avancement des négociations a été rendu public le 8 Novembre 2006. (en même temps, celui-ci est le 9èm rapport) Il a fait l’objet de larges discutions en Turquie de la part des différents milieux. Cependant, étant donné que les uns et les autres ont abordé la situation de leurs propres points de vue restreints, alors la véritable attitude de l’UE à l’égard de la Turquie n’a pas été comprise convenablement. En ce qui concerne la Turquie, certains ont dénaturé ce rapport et l’ont présenté à l’opinion publique avec ses aspects positifs ou négatifs.

On en déduit que l’EU observe selon deux critères fondamentaux ; le premier, une approche économique (entant que potentiel économique) le second, une approche idéologique. On sait que la Turquie ne constitue pas un sérieux problème en ce qui concerne son statut de potentiel économique. A ce titre, même les responsables de l’Union Européenne ont observé et exprimé constamment les évolutions positives. Néanmoins, en ce qui concerne son approche idéologique, on ne peut prétendre qu’il s’agisse du même optimisme. A ce titre, il convient de préciser que, en dehors des Chrétiens Démocrates, les autres partis partagent ce même point de vue. A ce stade, la Turquie se trouve face une situation sérieuse et difficilement franchissable.

L’état du processus des négociations

Les négociations entre l’UE et la Turquie ont commencé le 3 Novembre 2005. Ce processus des négociations a entamé également un débat sérieux. Dans les périodes suivantes, le 12 Juin 2006 à Luxembourg, les autorités des deux parties, EU et la Turquie, se sont heurtés à des difficultés sur plusieurs sujets. Malgré toutes les déclarations négatives, au stade où en sont les choses, il est impossible de prétendre que l’UE se passe de la Turquie et inversement. Pendant que l’intérêt de la première consiste à faire de la deuxième une puissance dépendante, cette dernière a un besoin sérieux de la première du point de vue de sa conformité à la civilisation. En conséquent, il serait plus judicieux de dire que c’est la Turquie qui a le plus grand besoin de l’union européenne plutôt que le contraire.

Il est important de rappeler que l’intérêt de toutes les populations en Turquie, plus particulièrement des Kurdes, passe par une meilleure connexion avec l’EU. Cependant, en Turquie, cet avis est partagé par peu de gens. Si peu nombreux soient-ils, ces groupes sont formés d’élites de rentiers du CHP et du MHP dont l’intérêt fondamental réside est la continuité de la guerre. On a constaté, durant les dernières périodes une certaine sympathie pour ces groupes de la part des partisans du AKP. Avides des rentes issues de la guerre et du cahot, ces milieux sont actifs en permanence et font tout leur possible pour saboter toutes les évolutions et tous les processus pouvant évoluer dans un sens positif. En effet, la conception rentière évoluée depuis des siècles dans ce pays, leurs assures un système rentier institutionnalisé. Lorsqu’on observe la réalité de la Turquie, on se rend bien compte qu’il s’agit d’un phénomène que l’on ne peut enrailler avec quelques changements anodins. Par conséquent, la conformité de la Turquie aux critères de l’UE est une action difficile qui exige des efforts sérieux et responsables.

Le manque du sérieux de la Turquie

Depuis 1987 le sujet qui a été la source de plus grandes difficultés entre les deux protagonistes, est celui de récession du pouvoir militaire. A ce titre, non seulement aucun pas évolutif n’a été avancé depuis le début, mais encore, la réalité de ce constat s’est avérée nettement et plus particulièrement depuis que Yasar Büyükanit et présentement Ilker Basbug sont arrivés à la tête de l’état-major de l’armée. Quand bien que l’armée turque représente la troisième puissance du pacte de l’OTAN, cette question persiste à demeurer comme l’une des principales occupations lors des négociations l’UE-Turquie. En guise de comparaison, lorsque, de manière générale on observe la réalité dans le monde ; tant aux Etats-Unis d’Amérique avec l’élection de Barak Obama comme Président, qu’en Europe, on se rend compte du retard de la situation objective de la Turquie. Dans la situation actuelle de ce dernier, on constate avec aisance le retard du pays dans sa conformité aux critères de l’UE. Considérant que toutes les actions entreprises par le pouvoir du AKP, dans la perspective de se rapprocher de l’Europe, sont superficielles et dépourvues de contenu et de fondement, elles ne peuvent apporter de satisfaction aux milieux européens. A ce titre, lorsqu’on replace dans son contexte l’intervention, le 6 Novembre 2008, du Commissaire européen chargé de l’élargissement, M. Olli Rehn devant la Commission des Affaires Etrangères du Parlement Européen et les questions des parlementaires, on se rend mieux compte de cette réalité. Lors de cette réunion, la plus part des parlementaires ont souligné le manque de sérieux de la Turquie. Ces mêmes avis ont été partagés par Mme Oomen-Ruijten Ria, Démocrate Chrétien Hollandais et Rapporteur du PE sur la Turquie qui a évoqué " il persiste un doute sérieux en ce qui concerne la poursuite ou non des négociations entre l’UE et la Turquie ".

La Question du Chypre

Il est certain que, en tant que puissance économique, l’EU possède une certaine sensibilité relative aux droits de l’homme en ce qui concerne les populations de ses territoires. Cette sensibilité existe dans la mesure où elle ne constitue pas d’obstacle à ses intérêts économiques. Des lors que ses intérêts se trouvent menacé dans un pays, alors son approche aux droits de l’homme s’en trouve modifiée. La question kurde en Turquie est considérée dans ce contexte. Nous savons de la question du Chypre, l’UE s’en fait un devoir primordial. Quelle que soit l’attitude de la Turquie, on est tenu de négocier les décisions d’Ankara interdisant ses ports aux bateaux et son espace aérien aux avions de chypriotes du secteur grec et même, son projet de renforcer sa présence militaire sur l’Île à partir de 2009. A ce titre, 2009 requiert une importance prépondérante. Suivant la politique classique de la Turquie, ce serait une compensation, cependant, si on considère la vérité, ceci ne constitue pas la réalité. Une telle évolution concernant le Chypre s’avère plutôt conforme aux intérêts économiques de la Turquie. Même, d’après ce que nous avons appris, un traité en ce sens serait signé, derrière les portes closes, par le Ministère des Affaires Etrangères de la Turquie et la Commission Européenne. Il n’est pas si difficile de deviner l’accord d’Ilker Basbug accordant son " yes " sur ce point.

Néanmoins, nous savons que seule la question du Chypre n’est pas le seul critère déterminant de  l’attitude de l’EU à l’égard de la Turquie. Nous ne pouvons pas prétendre, non plus, que cette question constitue un sujet hautement important. En effet, jusqu’à présent il a été utilisé plutôt comme un atout. L’attitude positive des turcs chypriotes à cette question la conduira davantage à l’ordre du jour. En même temps, nous nous rendons compte, d’ores et déjà, que les opposants de la Turquie en Europe cesseront progressivement d’utiliser cette question comme une carte politique vis-à-vis de ce pays. Cependant, dans l’UE il y aura toujours ses opposants. Ces forces d’opposition – et plus particulièrement le Parti Européen (PPE)- conserveront ce sujet entre leurs mains comme un atout. Une fois que le sujet chypriote aura quitté l’ordre du jour, d’une manière ou d’une autre, la question kurde sera reprise comme une puissance suppléante sur cette scène de lutte politique. Etant donné que les autorités turques connaissent parfaitement ce système, elles dispensent les efforts conséquents afin de retarder l’application des termes du Protocole d’Ankara et toutes les autres évolutions relatives à la question chypriote.
 
Ahmet DERE  /  09.01.2009

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