Dans la nuit du 20 au 21 octobre, chauffés par la propagande venant de Turquie relayée par des responsables associatifs et même des mandataires politiques d’origine turque, à plusieurs reprises, des centaines de jeunes immigrés narguant la police ont déferlé à travers la commune, escaladé l’enceinte de l’ambassade des Etats-Unis d’Amérique, arraché et piétiné son drapeau, tabassé un journaliste, causant sur leur passage d’importants dégâts matériel.
Passant devant les " Jardins de Babylone ", une taverne située chaussée de Louvain près de la place de Saint-Josse, ils se sont rués à l’intérieur de l’établissement, où se trouvait son propriétaire, aux cris de " Tuez-le, c’est un Arménien ! ". P. Petrossian a pu échapper à la mort, mais son commerce a été saccagé sous les yeux de policiers impassibles.
Le caractère raciste de cette agression digne des pogroms de l’empire ottoman a été passé sous silence par le monde politique, qui a condamné les émeutes tardivement et timidement, n’y voyant que l’initiative de " groupuscules extrémistes " (Philippe Moureaux).
Le bourgmestre de la Commune de Saint-Josse-ten-Noode avait promis à P. Petrossian son aide pour rétablir son commerce ruiné. Sans couverture d’assurance, ne voyant rien venir, la victime dut toutefois demander en Justice réparation à la Commune récalcitrante. Une expertise est en cours, au cours de la quelle l’estimation des dommages est discutée impitoyablement. Petrossian s’est même entendu reprocher le choix de la localisation de son commerce.
Selon Le Soir du 26 octobre 2007, entre 600 et 800 personnes ont pris part à ces émeutes. 93 " casseurs " ont été interpellés, dont une quarantaine de mineurs. 85 ont été arrêtés administrativement et 8 judiciairement, dont 3 ont été mises à la disposition du parquet. 350 policiers ont été mobilisés. 6 ont été blessés, dont 3 frappés à coup de barre de fer. Le parquet a désigné un juge d’instruction pour instruire les faits dont ces policiers ont été victimes, pas pour s’occuper du cas de Petrossian, malgré l’extrême gravité des faits et l’importance des dégâts.
Du côté turc, ni l’ambassade, ni aucune association n’a présenté d’excuses. Le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme n’a pas levé le petit doigt.
" La Justice prend ce dossier très au sérieux et elle mènera l’enquête jusqu’au bout ", avait déclaré à l’époque la ministre de la Justice. On sait à présent que la ministre ne se souciait pas de Petrossian.
COMITE DES ARMENIENS DE BELGIQUE
Le Vif/L’Express du 2 novembre 2007, évoquant le refus de la ministre Onkelinx et de ses partenaires libéraux d’étendre la loi pénalisant le négationnisme, dénonçait ces " frilosités belges " devant le nationalisme turc, qui expliquent que la Turquie s’autorise d’intervenir dans nos affaires intérieures. Mais on aurait pu également pointer du doigt ces frilosités qui tolèrent la présence de négationnistes au sein du pouvoir politique ou dans le corps enseignant, par exemple.
Le 3ème jour des émeutes, le 24 octobre 2007, le Parlement européen a donné son feu vert aux opérations militaires turques en Irak contre le PKK et, contrairement aux années précédentes, sa résolution n’a pas demandé à la Turquie de reconnaître le génocide des Arméniens. Coïncidence ?
Le Procureur du roi de Bruxelles a gardé le silence sur le dossier Petrossian malgré sa médiatisation. Sa décision de classer la plainte sans suite est une défaite devant une opération de violence collective et préméditée conçue comme arme politique. Le parquet, c’est-à-dire, l’Etat, courbe l’échine devant une communauté assimilée à une puissance étrangère. Est-ce le début chez nous d’un régime des " capitulations " de la fin de l’Empire ottoman ?
Récemment un sondage a pointé du doigt une montée de la xénophobie. Comment reprocher aux citoyens d’être gagné par une crainte de l’étranger, alors que l’autorité elle-même tremble manifestement de peur ? En " Petite Anatolie ", la loi belge doit-elle céder devant la souveraineté turque ? Devra-t-on, pour leur propre sécurité, déporter hors de cette portion de Bruxelles les habitants non-Turcs, et d’abord les Chrétiens d’Orient ?
Ressaisissons-nous. Ne renonçons pas à bâtir une société harmonieuse. Condamnons ce glissement insidieux vers le communautarisme, qui tourne le dos à l’intégration, creuse le fossé de l’exclusion et attise les foyers de violence.
La loi condamne le racisme, qu’il soit flamand, wallon ou turc. Force doit rester à la loi. Et si la Justice ne trouve pas dans la loi les moyens d’une juste répression, complétons la loi, à commencer par celle qui réprime le négationnisme.
Oui, nos valeurs démocratiques ont encore de l’avenir, à condition d’oser affronter le racisme.
Le 24 mars 2009