Tout au long de ce deuxième semestre 2008, on assiste à une véritable guerre entre les Kurdes et l’État turc. La multiplication des affrontements entre les forces de l’armée turque et la guérilla kurde ont fait augmenter la répression contre la population civile du Kurdistan.

Elle s’est intensifiée depuis le 16 octobre 2008 quand les avocats de M. Abdullah Ocalan  ont révélé dans une déclaration publique que le leader emprisonné subissait la torture et était menacé de mort  dans la prison d’Imrali. La situation en Turquie et au Kurdistan est devenue à nouveau plus   dangereuse et on peut parler d’une véritable poudrière. Quotidiennement, autant au Kurdistan que dans l’ensemble de la Turquie, des milliers de gens manifestent contre la politique de l’État turc et du gouvernement de l’AKP.

En octobre, la plupart des manifestations qui protestaient contre la politique de l’État turc, étaient organisées par le Parti pour une Communauté Démocratique (DTP). Malgré la bonne volonté des Kurdes et leur comportement pacifique, toutes ces manifestations ont été écrasées par les forces armées et la police. Le 19 octobre à Dogubayazid (un district de Agirî) un jeune kurde a été assassiné par une balle tirée par la police. Pendant les manifestations, des dizaines de jeunes âgés de moins de 15 ans et des centaines de membres du DTP ont été placés en garde à vue. La plupart  d’ entre eux, dont 25 enfants sont encore sous le coup d’une arrestation et. personne ne sait quand ils seront libérés ou jugés.

C’est également en octobre que le Premier ministre turc Recep Tayip Erdogan a visité les villes de Diyarbakir et de Dersim, en novembre il est allé dans les régions de Van et de Hakkari. Au cours de ces visites, Recep Tayip Erdogan s’est clairement attaqué aux valeurs primordiales des Kurdes, et il a déclaré "  Ceux qui n’acceptent pas un pays, un peuple et un drapeau doivent quitter la Turquie ".  Quand on connaît l’attachement des Kurdes à ce qui fait leur spécificité à savoir leur langue et leurs coutumes, on peut affirmer que M. Erdogan ne supporte plus la présence des Kurdes au Kurdistan. Il est évident que les Kurdes devaient réagir devant cette idée aberrante qui consiste à éliminer les Kurdes ou plutôt à les assimiler ce qui correspond aux idées jacobines défendues par l’État turc depuis sa création par Mustafa Kemal. La population de ces régions n’a pas demandé   que le premier ministre turc vienne le faire pour lui faire ce type de déclaration qui ne pouvait que mettre de l’huile sur le feu.

Alors que M. Erdogan se répandait en déclarations à Hakkari, les Kurdes ont aussi manifesté à Istanbul. Des membres du DTP ont essayé de faire un sit-in pacifique dans le quartier de Beyoglu situé dans le centre de la ville, la police a utilisé des gaz lacrymogènes pour les disperser et trente personnes ont été interpellées    .

Les Kurdes veulent vivre dans la paix et se réconcilier avec le pouvoir étatique, mais ils veulent être respectés et jouir d’un minimum de droits dont celui de parler leur langue et de jouir de la même protection sociale et culturelle que l’ensemble de la Turquie, ce ne sont pas les discours incendiaires de M. Erdogan qui vont les apaiser.

L’attitude de l’Union européenne

Le 5 novembre 2008, la Commission Européenne a déposé son rapport annuel concernant la Turquie dans le cadre de son éventuelle adhésion. D’autre part, le Parlement Européen est en train de préparer le projet de son rapport concernant la même question, (il sera probablement publié au mois de Janvier 2009). Plus les négociations entre la Turquie et l’UE avancent, plus le rôle de l’UE   gagne en importance. Depuis 20 ans, des associations représentant les Kurdes travaillent auprès des Institutions Européennes pour présenter une solution pacifique à la question kurde. Cette volonté des Kurdes a été démontrée par tous les moyens à leur portée. Malheureusement jusqu’à présent aucun signe concret prouvent qu’ils étaient entendus n’a été donné aux Kurdes. On peut se demander si l’UE a vraiment l’intention de jouer son rôle. Il importe que, désormais, les Européens   prennent et assument leurs responsabilités.

Le 21 mai 2008, à Strasbourg, le Parlement Européen a adopté son rapport annuel sur la Turquie. Dans la résolution de ce rapport, il était demandé au gouvernement turc de prendre des initiatives nécessaires pour trouver une solution à la question kurde, par exemple en ce qui concerne l’usage de la langue et le développement de la culture kurdes. Malheureusement les demandes du Parlement Européen restent toujours sans réponse .La Turquie demande son entrée dans l’UE, mais trouve indigne d’elle de répondre à cette question essentielle. À notre grande déception, la Commission Européenne n’a rien mentionné à ce sujet dans le rapport de cette année. Cela veut dire que l’UE ne poursuit pas sa propre politique et n’exige pas l’application de ses propres décisions. Alors, que peut-on penser de ce comportement des autorités européennes ? Hypocrisie ou indifférence totale !

Rappelons que la question kurde est posée depuis que la création de la République turque (1923.) Ce n’est pas un problème qui vient de l’extérieur, il est inhérent à la Turquie actuelle et depuis sa création, l’État turc a toujours tout fait pour nier la réalité kurde. C’est l’État turc qui a créé le problème et les Kurdes ont eu, dès le début, toutes les raisons de se soulever et de lutter et comme la situation ne s’améliore pas, la lutte se poursuit. D’après les autorités turques elles-mêmes, on assiste aujourd’hui au 29ème soulèvement populaire et il dure depuis 24 ans.

Ainsi, je ne cesse de répéter que l’UE ne doit pas traiter la question kurde comme une question de terrorisme car on est loin de la réalité quand on la considère de cette façon. Traiter cette question comme étant du terrorisme ferme toutes les voies vers une  solution. Le problème pose la question du droit, pour un peuple, de jouir des bienfaits essentiels d’une démocratie à savoir de pouvoir parler sa langue et de choisir démocratiquement son avenir. L’État turc est responsable de dizaines de milliers de morts, de plus, il a fait évacuer de force des milliers de villages et a jeté sur les routes des millions de réfugiés. La question kurde est grave, mais je crois qu’une solution ne peut être trouvée qu’avec le soutien de l’Union Européenne que tous, Kurdes compris, considèrent comme une institution démocratique.

Le but des Kurdes n’est pas de vivre dans un climat de guerre, mais ils sont obligés de lutter pour jouir de leurs droits les plus légitimes. Ils sont acculés à l’autodéfense, leur vie étant continuellement mise en jeu. Il faut préciser que les Kurdes ont déjà déclaré, à plusieurs reprises, qu’ils étaient ouverts à toute discussion pour mettre fin au conflit armé, destructeur pour  les deux parties en présence.

Les Autorités turcs font des éloges aux massacres contre les Arméniens et les Grecs.

À Bruxelles, le 10 novembre 2008, le Ministre turc de la défense nationale, Vecdi Gönül a fait  l’éloge de la politique ottomane vis-à-vis des Arméniens de Turquie soit un génocide toujours non reconnu par l’État turc, il est vrai que c’était la première manifestation d’une attitude odieuse et raciste du parti des " Jeunes Turcs " dont Mustafa Kemal était assez proche sans y participer. De plus, il a évoqué la déportation massive des Grecs durant les années 1923-24, cette déportation s’est faite dans le cadre d’un échange de population entre la Grèce et le nouvel État turc. Ce qui est très grave et même indécent, est le fait qu’il a affirmé que les massacres d’ Arméniens et la déportation des Grecs étaient indispensables pour permettre la création de la nation turque. Bien sûr il a ajouté que cela a été possible grâce à la politique ordonnée par Mustafa  Kemal Ataturk. Il est déplorable de constater que cette mentalité d’assimilation forcée reste un credo de la politique turque, l’État turc s’est créé cette mentalité et veut l’imposer aux Kurdes par la force en ne tenant aucun compte de la volonté de ces derniers d’arriver à solutionner la question kurde par la discussion entre les deux populations sur un plan d’égalité. L’ État turc ne vise qu’à poursuivre sa politique d’assimilation en utilisant la force, comme elle l’a fait et l’a réussi face aux Arméniens et aux Grecs.

Il faut donc demander aux autorités européennes si elles veulent trouver une solution pacifique à la question kurde, dans ce cas, il faut ouvrir un dialogue avec les organisations kurdes en Europe, tel le Congrès National du Kurdistan.  Il est certain que cela serait accueilli favorablement par l’ensemble des Kurdes.
 
Répression continue contre les maires du DTP
Depuis les élections de 2004, les maires élus du parti DTP subissent des poursuites judiciaires incessantes impulsées par les procureurs turcs. Les causes en sont diverses. Cinquante-six maires ont été poursuivi par la justice sous prétexte qu’ils avaient écrit au gouvernement du Danemark à cause des entraves faites dans ce pays aux émissions de Roj TV (télévision kurde). 
M. Abdullah Demirbas, maire de l’arrondissement de Sur, situé au centre-ville de Diyarbakir, ville multi-ethnique, a été démis de ces fonctions pour avoir décidé avec l’ensemble de son conseil municipal d’utiliser les kurde mais aussi d’autres langues minoritaires comme l’arménien, l’arabe et l’araméen ainsi que l’anglais à côté du turc, langue officielle, seule langue reconnue dans l’ensemble de la Turquie.
En contradiction avec ces mesures, il faut rappeler que sous la pression de l’Union européenne, Ankara a permis la diffusion de programmes en langues minoritaires sur les chaînes de télévision et de radio publiques, on se demande alors, à juste titre, où est la logique dans cet imbroglio.
Plus la date des élections se rapproche plus la répression contre les maires kurdes par l’État turc augmente. Dernièrement le maire de Sirnak, M. Ahmet Ertak, membre du DTP a été condamné à 15 mois de prison pour avoir tenu des propos jugés " propagandistes " en faveur des militants kurdes lors d’un entretien avec une télévision française. Ahmet Ertak est régulièrement suspecté de soutenir les militants kurdes, le procureur avait réclamé une peine de prison de sept ans pour ces déclarations à la chaîne d’information française sous prétexte qu’il demandait un soutien internationale au PKK. Cela avait naturellement été contesté par l’avocat qui demandait l’acquittement du prévenu mais ce fut sans succès. 
Jusque quand tout cela va-t-il durer, la patience des Kurdes est à bout !

 

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