Depuis le déclenchement par Israël d’une vaste offensive contre le Hamas dans la bande de Gaza, qui a fait plus de 1.330 morts palestiniens entre le 27 décembre et le 17 janvier, les manifestations de soutien aux Palestiniens se sont multipliées en Turquie, pays musulman, mais laïc et allié de l’Etat hébreu.

Parallèlement, plusieurs actes isolés ont pris pour cible la communauté juive locale, présente en Anatolie depuis l’Antiquité et estimée aujourd’hui à 23.000 personnes, dont une importante composante sépharade issue de l’exil dans l’empire ottoman des juifs chassés d’Espagne après 1492.

A Istanbul et Izmir (ouest), deux synagogues ont été couvertes de graffitis antisémites tandis qu’un appelé israélite a été menacé de mort par un sous-officier, a indiqué à l’AFP un responsable de la communauté parlant sous le couvert de l’anonymat.

Des membres d’une association ont été photographiés arborant des panneaux interdisant l’entrée de leurs locaux aux juifs et la presse islamiste radicale a régulièrement imputé aux juifs indistinctement les drames survenus à Gaza.

Même en l’absence d’agressions physiques, ces incidents ont suffi à mettre la communauté en émoi. La semaine dernière, une réunion trimestrielle de ses membres, dont l’audience d’ordinaire ne dépasse pas 100 habitués, a réuni plus d’un millier de personnes venues exprimer leurs craintes.

"Les amis juifs avec lesquels je parle sont tous très inquiets, ils redoutent un attentat à la bombe, une agression", a déclaré à l’AFP Avi Haligua, journaliste juif de la radio stambouliote Açik Radyo.

"Depuis les attentats de 2003 à Istanbul, les juifs sont constamment dans la crainte que la rhétorique antisémite se convertisse en actes terroristes", a estimé le chercheur Rifat Bali, spécialiste de l’histoire des juifs de Turquie.

En novembre 2003, quatre kamikazes affiliés selon la justice à Al-Qaïda ont fait exploser leurs véhicules devant deux synagogues, le consulat du Royaume Uni et une succursale d’une banque britannique, tuant 63 personnes.

On s’inquiète par ailleurs dans la communauté de la vigueur des critiques gouvernementales à l’égard d’Israël -le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a dénoncé des "massacres d’enfants innocents" à Gaza- et des relations établies par Ankara avec le Hamas, considéré par Israël comme un groupe terroriste.

Cinq organisations juives américaines ont reproché aux autorités turques dans un courrier à M. Erdogan d’avoir "enflammé l’atmosphère" par leurs discours, tandis que le quotidien Radikal publiait la lettre d’une psychologue juive exprimant son désarroi devant le laxisme supposé de l’Etat face à l’antisémitisme.

Pour Avi Haligua, ces accusations méritent toutefois d’être tempérées.

"A chaque crise au Proche-Orient, l’antisémitisme refait surface en Turquie. La nouveauté aujourd’hui, c’est que le gouvernement a abandonné la politique traditionnelle turque exclusivement tournée vers l’Occident et a décidé de jouer un rôle actif dans la région", a commenté le journaliste.

"Selon moi, c’est plutôt une chose positive, même si cela peut encourager les manifestations ici", a-t-il poursuivi, tout en reprochant au gouvernement d’avoir "joué sur l’émotion" provoquée par Gaza par démagogie, à l’approche d’élections municipales fin mars.

Répondant à ces inquiétudes, le vice-Premier ministre Cemil Cicek a quant à lui rendu lundi un hommage appuyé à certaines personnalités de la communauté juive et assuré que "tous les citoyens disposent des mêmes droits" en Turquie. (AFP, 29 jan 2009)
http://www.info-turk.be/365.htm#Hate

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