Dans le cadre de l’opposition de plus en plus manifeste d’une partie de la population à Ahmadinedjad, liée au côté discutable du résultat des élections, il est de plus en plus évident que c’est au sein des minorités que la contestation est de plus en plus marquée. Elle est liée à des causes ethniques mais aussi à des problèmes religieux; dans ce dernier cas rappelons que les Kurdes et les Baloutches sont sunnites. D’autre part, il est tout aussi utile de préciser que les Persans, le groupe majoritaire, ne représente que 50% de la population. Un rapide aperçu des différents groupes ethniques en Iran nous donne une idée de la complexité de la situation. Dans la famille iranienne,  à côté des Persans, nous retrouvons les Kurdes (8%), les Lures (4,3%), les Baloutches (2%), et divers autres groupuscules dont les Guilanis et les Mazandaranis (9%); dans la famille turque, la communauté la plus importante et la plus prospère est celle des Azéris (20%) complétée par les Turkmènes et les Kachkaïs (4%), ajoutons à ces communautés les Arabes au Khouzistan (2%)  et les Arméniens à Ispahan, Téhéran et Tabriz, ces derniers sont libres d’exercer leur religion dans le cadre du millet ainsi que les quelques mazdéens ou zoroastriens vivant encore en Iran. Cette liberté religieuse n’est pas acquise dans le cas des sunnites, c’est d’ailleurs au Kurdistan et au Baloutchistan que les foyers de contestation sont les plus importants, leur population se bat, entre autres, à cause de la violente répression religieuse et de la discrimination culturelle et économique qu’elle subit.

Les minorités exigent des investissements plus importants dans les régions non perses et une part plus importante des profits générés par le pétrole et les autres ressources exploitées dans leurs régions. Certains de leurs responsables politiques estiment que cela pourrait être possible en attribuant une relative autonomie aux régions. C’est dans ce contexte que la contestation des Kurdes est la plus importante.
Les États-Unis et Israël cherchent, depuis la création de la République islamique, à déstabiliser les zones kurdes de l’Irak et de l’Iran, qui depuis la fin de la première guerre  mondiale supportent très mal la situation qui leur a été imposée par des traités occidentaux complètement injustes. (Inutile de rappeler que ce n’est pas le cas en Turquie, fidèle alliée de l’OTAN, où les mêmes États soutiennent au contraire l’oppression contre ces mêmes Kurdes.) Actuellement, les E.U. veulent un Irak uni où les Kurdes, enfin autonomes, sont priés de collaborer avec les Arabes sunnites ou chiites.
L’Iran veut aussi un Irak plus unitaire et plus fort car il craint que ses propres Kurdes se rangent derrière ceux de l’Irak et de la Turquie pour créer un Kurdistan indépendant . On sait que le PJAK (Parti pour une vie libre au Kurdistan) est un parti frère du PKK dont un des centres de regroupement se trouve dans les montagnes à l’est de l’Irak à la frontière de l’Iran. C’est d’ailleurs sur cette frontière que les affrontements militaires les plus graves se sont déroulés entre Kurdes et armée iranienne. En septembre 2007, l’Iran a bombardé à plusieurs reprises les repaires du PJAK qui a longtemps reçu des armes israéliennes et le soutien des E.U., ce qui d’ailleurs n’a sans doute pas cessé depuis. Il est d’ailleurs piquant de rappeler que le PKK est considéré par les E.U. Comme une organisation terroriste afin de ne pas irriter la Turquie, deuxième armée de l’OTAN, alors que son homologue iranien (PJAK) est armé et soutenu par eux.

Depuis peu, suivant l’exemple des Israéliens, le régime iranien projette d’édifier une barrière de 420 km sur les 600 km de frontière commune avec l’Irak pour empêcher toute circulation des Kurdes entre les deux pays. La presse iranienne évoque ce projet de mur de séparation composé de blocs de béton, de fossés, de champs de mines ou encore de zones de surveillance militaire renforcée et , il y a quelques semaines, une première tranche de 4 km a été achevée. Cette nouvelle « muraille de Chine » a pour but d’empêcher les combattants exilés kurdes d’origine iranienne dispersés dans les montagnes d’Irak et soutenus par le PKK de passer la frontière, ce projet paraît plutôt utopique dans la mesure où tout se passe dans des zones montagneuses. Les observateurs politiques kurdes, par contre, estiment que le but de ce mur est surtout de renforcer le contrôle militaire sur le nord-est du pays au moment où Téhéran craint que les E.U. utilisent la carte des minorités dans le cadre de leur opposition au programme nucléaire iranien. Les Iraniens sont d’autant plus convaincus de cette possibilité qu’ils estiment, peut-être à juste titre, que le Kurdistan irakien est purement et simplement une base militaire américaine susceptible susceptible de servir en cas de frappe militaire contre l’Iran.

L’Iran s’engage donc dans la même voie empruntée depuis plus de trente ans par la Turquie qui impute aux Kurdes tous les problèmes auxquels elle est confrontée. L’erreur est dans les deux cas la même, les éventuelles confrontations sont liées à des problèmes internes et si les Kurdes avaient la pleine jouissance de leurs droits en Iran comme ils ont fini par l’obtenir en Irak, il ne serait pas nécessaire de faire des bombardements aériens sur des populations civiles ou de construire un mur de séparation.
Ankara a compris que la recrudescence de l’action du PKK en Turquie n’est pas liée à un soutien du Kurdistan irakien et il ne boycotte plus son gouvernement régional d’ailleurs très profitable à la Turquie sur le plan économique. D’autre part, elle n’a toujours accordé à sa propre population kurde un minimum de droits tel celui d’utiliser sa langue en dehors d’un domaine privé.
Téhéran va-t-il comprendre que persister à utiliser des recettes israéliennes n’a aucune chance de réussir et ne va qu’augmenter l’intensité du conflit avec ses Kurdes ce qui pourrait devenir encore plus meurtrier et peut-être même irrémédiable ?

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