Le groupe folklorique de l’association kurde ‘Tekoser’lors de la soirée contre la junte du 12 septembre organisée en 1981 parl’Union pour la Democratie
La première conférence dans le cadre de la semaine culturelle kurde s’est tenue le jeudi 18 septembre 2014 au Sénat belge à Bruxelles sur le thème “Les Kurdes, Kurdistan et la diaspora”. Lors de la conférence, le rédacteur en chef d’Info-Türk Dogan Özgüden a fait l’intervention suivante sur la présence de la diaspora kurde à en Belgique:
Chers amis,
Aujourd’hui je suis très heureux de vous adresser sur le thème la diaspora kurde avec qui je partage le même combat et le même destin depuis plus de quarante ans dans la capitale européenne. J’ai un plaisir particulier de faire partie de cette tribune avec mon ami Derwich Ferho qui, déjà à l’âge de 17 ans, a lancé avec ses camarades kurdes la première initiative de faire connaître les revendications du peuple kurde. Tekoser, qui est actuellement l’Institut kurde de Bruxelles.
Je n’oublie jamais comment ces enfants du peuple kurde se sont engagés dans une lutte acharnée pour conscientiser et organiser les travailleurs immigrés d’origine kurde et pour sensibiliser l’opinion belge sur l’oppression non seulement des Kurdes mais également de tous les opprimés de Turquie.
Ironie de sort, la semaine culturelle kurde coïncide avec la célébration officielle du 50e anniversaire de l’immigration turque en Belgique. Les médias et les dirigeants belges, à cette occasion, ne parlent que de l’immigration turque, mais ne prononce aucun mot sur les immigrés d’origine kurde, arménienne, assyro-chaldéenne, grecque et ézidie.
En plus, on passe toujours sous silence le fait que l’immigration en provenance d’Anatolie n’a pas commencé en 1964, mais déjà en 1915, presque 100 ans avant avec le génocide et la déportation des Arméniens et Assyro-chaldéens, ensuite avec les vagues d’exils politiques des milliers d’opposants des régimes répressifs d’Ankara, notamment après les coup d’état militaires de 1971 et 1980.
Quant à l’immigration économique dont le 50e anniversaire est célébré en Belgique, il s’agissait d’une opération honteuse de la part des dirigeant de Turquie. Oui, c’était un bon débarras dans un pays qui souffrait d’un chômage grave. En plus, ces travailleurs immigrés étaient considérés comme une poule aux œufs d’or pour l’économie turque souffrant de manque de devise.
Avant mon exil, en tant que journaliste et syndicaliste, j’étais souvent au bureau de recrutement des travailleurs immigrés par le patronat allemand dans un local dans le quartier Tophane d’Istanbul. Je me souviens, comment ces enfants anatoliens, turcs ou kurdes, étaient soumis nus à un contrôle médical jusqu’à leur sexe afin de vérifier s’ils étaient aptes à travailler dans les mines ou dans l’industrie lourde.
Depuis lors, tant dans les médias turcs que dans les médias européens on ne parle que de « l’immigration turque » sans tenir compte du fait qu’une partie importante de ces travailleurs était d’origine kurde.
Ce qui est malheureux, ces travailleurs kurdes, eux-mêmes, cachaient soigneusement leur origine ethnique ou linguistique, en raison de la répression nationale en Turquie qui visait également ses ressortissants dans leur pays d’accueil.
Comme je disais au début de mon intervention, après 1978, grâce au travail exemplaire de l’organisation kurde Tekoser, se sont déclenchées la conscientisation et l’organisation des immigrés d’origine kurde en Belgique.
A cette époque-là, toutes les associations progressistes luttaient d’une part contre le régime répressif en Turquie, et d’autre part, pour inciter les travailleurs immigrés à s’intégrer dans la vie politico-sociale belge sans tomber dans les manœuvres nationalistes ou fondamentalistes de l’Etat turc et des associations faisant partie du lobby du régime d’Ankara.
Toutefois, je me souviens toujours avec une grande amertume comment certaines associations et institutions qui se réclament progressistes et internationalistes prenaient une position nationaliste, même raciste, quand il s’agit de reconnaître l’identité nationale du peuple kurde.
Lors des travaux préparatifs en vue de réunir toutes les associations immigrées dans la Communauté flamande, la participation de l’association kurde Tekoser à cette initiative était fort contestée par les représentants du parti communiste de Turquie sous prétext que leur parti serait le seul représentants de tous les travailleurs, turcs ou kurdes…
D’ailleurs, les autorités belges, sous la pression du régime d’Ankara ont gardé une grande distance vis-à-vis des revendications de nos amis kurdes.
L’appel commun des associations progressistes immigrées, toutes nationalités confondues, Objectif 82 était le point culminant de notre lutte démocratique. Cette initiative revendiquait également que les partis politiques fassent leur maximum pour éduquer et responsabiliser ces nouveaux citoyens d’origine étrangère.
Malheureusement, les partis politiques belges n’ont pas répondu correctement à cet appel.
Deux coups mortels, l’un après l’autre, à l’intégration socio-politique des travailleurs immigrés venus de Turquie…
Tout d’abord, la junte militaire de 1980 a ordonné la perte de nationalité pour les opposants de son régime à l’étranger avec la confiscation de leurs biens en Turquie.
Plusieurs travailleurs immigrés avaient acheté une maison ou un terrain en Turque avec leurs économies après avoir travaillé péniblement dans les charbonnages belges… Sous la menace de la perte de nationalité et la confiscation de leurs biens en Turquie, ils se sont éloignés des milieux progressistes et soumis au diktat de l’Ambassade de Turquie pour assurer leur avenir.
En plus, la même junte militaire a pris une série de mesures pour mettre les associations immigrées sous contrôle de l’Etat turc par le biais de la Fondation des affaires religieuses à Bruxelles.
Malheureusement les partis politiques belges, au lieu de former les citoyens d’origine étrangère pour une intégration saine dans la vie politique belge, ont recouru à toutes sortes de marchandage avec les associations au service du lobby turc, ultra-nationalistes et fondamentalistes compris, pour obtenir quelques votes de plus dans les communes à forte densité de ressortissants turcs.
La conséquence inévitable de cette politique de l’autruche: Soumission totale au négationnisme du régime turc.
Je reviens au début.
En plus de la présence kurde dans le contexte de l’immigration économique des années 60, la population belge comprend également des masses d’exilés politiques arméniens, kurdes, assyro-chaldéens depuis le génocide de 1915 et après les coups d’état militaires de 1971 et 1980.
A cause de la soumission des autorités belges au régime d’Ankara, s’est déclenchée une série d’agressions contre les communautés non-turques.
Déjà il y a 20 ans, en 1994, une agression des Loups gris à Saint-Josse contre cent cinquante Kurdes participant à une marche pacifique.
Cinq ans plus tard, le 17 novembre 1998, l’Institut Kurde de Bruxelles, le Centre Culturel Kurde et un local assyrien ont été attaqués et incendiés par les Loups Gris devant la police.
Le 10 décembre 2005, un engin incendiaire a été lancé dans les locaux du bureau du parti pro-kurde DEP, détruisant la porte d’entrée.
Dans la nuit du dimanche 1er avril 2007, les locaux d’une association kurde à Saint-Josse ont été ravagés par un incendie criminel.
La communauté arménienne était toujours un des cibles privilégiées de l’agression des fascistes turcs.
Déjà lors des élections de 1999, les candidats d’origine turque sur les listes électorales des partis politiques belges ont commencé leur campagne avec les déclarations négationnistes promettant même la démolition du monument de génocide arménien à Ixelles.
Depuis lors, la reconnaissance du génocide arménien a été exclue de l’ordre du jour Parlement belge par l’ensemble des partis principaux, francophones ou flamands.
En plus, les 21 et 24 octobre 2007, un commerce arménien à Saint- Josse a été saccagé deux fois par les Loups gris.
Le crime encore plus grave contre les communautés non-turques de Turquie a été le harcèlement continuel contre les institutions kurdes installées en Belgique.
La mise sur pied d’abord du Parlement kurde en exil, ensuite le Congrès national du Kurdistan par les députés kurdes exilés en Belgique était un tournant historique dans la lutte de la reconnaissance de l’identité kurde dans le monde. Cette initiative a été suivie par la fondation de la première télévision kurde en Belgique.
Je me souviens toujours avec amertume comment les dirigeants et les travailleurs de ces deux institutions légitimes et exemplaires du peuple ont été harcelés depuis une vingtaine d’années par les autorités européennes sous la pression d’Ankara et de Washington.
Aujourd’hui alors qu’on célèbre la semaine culturelle kurde dans la capitale européenne, nos regards tournent vers l’année 2015.
Toutes les diasporas anatoliennes doivent se mobiliser pour la réussite de trois objectifs en 2015:
1. La réussite du parti démocratique des peuples (HDP) aux prochaines législatives en Turquie.
2. La victoire des forces kurdes qui combattent au Moyen-Orient contre les réactionnaires islamistes.
3. La reconnaissance du génocide des Arméniens et assyro-chaldéen à son 100e anniversaire.
3. La lutte contre les manipulations du lobby turc visant à transformer le Festival Europalia-Turquie en une campagne de propagande du négationnisme d’Ankara.
Je vous salue de tout mon cœur dans l’espoir de célébrer ensemble dans les années qui viennent les victoires des diasporas anatoliennes contre toutes les forces obscurantistes et ténébreuses.