Des représentants de la contestation ont été reçus jeudi soir à Ankara au cours d’une réunion d’urgence par le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, quelques heures après avoir rejeté son ultimatum leur demandant de quitter leur dernier bastion du parc Gezi d’Istanbul.

 

M. Erdogan leur a réaffirmé sa proposition de procéder à une consultation des habitants d’Istanbul sur ce terrain contesté.

 

“Nous voulons savoir ce que pense la population d’Istanbul, sa décision est très importante pour nous”, a indiqué à la presse au terme de l’entretien Hüseyin Celik, le porte-parole du parti de la justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste), au pouvoir, dirigé par M. Erdogan.

 

Alors que la fronde contre le gouvernement est entrée dans sa troisième semaine, des milliers de manifestants se préparaient à passer une nouvelle nuit dans ce jardin public proche de la place Taksim, dont la destruction annoncée a donné le coup d’envoi de la contestation le 31 mai.

 

“Nous resterons au parc Gezi avec nos tentes, nos sacs de couchage, nos chansons, nos livres, nos poèmes et toutes nos revendications”, a annoncé en fin d’après-midi un des représentants de la coordination des manifestants, Solidarité Taksim, l’avocat Can Atalay.

 

Pour tenter d’éviter une nouvelle confrontation violente avec la police, le chef du gouvernement a convoqué une réunion d’urgence avec une délégation d’artistes et de membres de la société civile dans sa résidence d’Ankara.

 

Ce rendez-vous nocturne, qui a débuté peu après 23h00 locales (20h00 GMT), est le premier entre le dirigeant turc et des porte-parole autorisés des manifestants qui réclament sa démission.

 

Le collectif Taksim Solidarité n’avait pas été invité à une première rencontre organisée mercredi entre le Premier ministre et des “représentants” de la contestation choisis par les autorités.

 

Pressé d’en finir avec cette fronde sans précédent depuis l’arrivée de son parti islamo-conservateur au pouvoir en 2002, M. Erdogan a adressé jeudi un “dernier avertissement” aux irréductibles qui occupent le parc Gezi.

 

“Nous avons fait preuve de patience jusqu’à présent, mais la patience a des limites. Je lance mon dernier avertissement : mères, pères, s’il vous plaît, faites sortir vos enfants de là”, a lancé le chef du gouvernement dans un discours à Ankara.

 

“Nous ne pouvons pas attendre plus longtemps parce que le parc Gezi n’appartient pas aux forces qui l’occupent”, a-t-il plaidé, “il appartient à tout le monde”.

 

Depuis vingt-quatre heures, le gouvernement a renforcé sa pression sur le dernier carré des protestataires, épargné par l’opération des forces de police qui ont repris mardi manu militari le contrôle de la place Taksim.

 

Mercredi soir, le Premier ministre avait fait un geste en proposant un référendum municipal sur le projet d’aménagement contesté de la place, avec l’espoir qu’il accélère l’évacuation du parc Gezi.

 

Détermination

 

 “Je crois qu’après ce geste de bonne volonté, les jeunes vont décider de quitter le parc Gezi”, a souhaité le vice-Premier ministre Huseyin Celik. “Tout ceci doit s’arrêter”, a renchéri, plus impatient, son homologue à l’Intérieur Muammer Güler.

 

Mais, dans les allées du parc, l’idée du référendum a été très fraîchement accueillie et les sommations du gouvernement balayées d’un revers de main.

 

“Nous n’avons pas vécu toutes ces attaques qui ont fait des morts et quelque 5.000 blessés parmi nos concitoyens pour un référendum”, a déclaré M. Atalay au nom de leur coordination.

 

“Nous n’acceptons pas le référendum parce que nous avons combattu la police, nous avons reçu du gaz lacrymogènes (…) et nous n’allons pas lui permettre (à M. Erdogan) d’avoir l’air d’un démocrate”, a tranché Fulya, une des manifestantes. “Nous n’irons pas voter à ce référendum”, a-t-elle ajouté, “nous sommes ici et nous y resterons”.

 

Retranchés sous “leurs” platanes, les irréductibles du parc Gezi ont reçu jeudi soir le soutien de plusieurs milliers de personnes qui ont réinvesti la place Taksim malgré la présence de centaines de policiers.

 

Les manifestants ont afflué sur la place à la nuit tombée en scandant des slogans hostiles à M. Erdogan, avant d’écouter un concert de piano.

 

Sûr du soutien d’une majorité de Turcs, le Premier ministre a adopté, depuis le début de la crise, un ton très ferme contre les manifestants, qui dénoncent sa dérive autoritaire et l’accusent de vouloir “islamiser” la société turque.

 

Son intransigeance lui a valu de nombreuses critiques et a terni son image à l’étranger. Jeudi, après de nombreux pays alliés comme les Etats-Unis, le Parlement européen a exprimé dans une résolution sa “profonde inquiétude” face à “l’intervention brutale de la police” contre les manifestants.

 

Piqué au vif, le chef de la diplomatie turque Ahmet Davutoglu a jugé “inacceptable” la résolution européenne, répétant que son pays était une “démocratie de tout premier plan”.

 

“Vous vous prenez pour qui ?”, a lancé de son côté aux députés européens M. Erdogan.

 

Selon le dernier bilan publié mardi par le syndicat des médecins turcs, les manifestations ont fait quatre morts, trois manifestants et un policier, et près de 5.000 blessés, dont plusieurs dizaines grièvement. (AFP,14 juin 2013)

http://www.info-turk.be/418.htm#guerre

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