Avant le début du processus d’extermination (1894), il y avait sur le territoire de la Turquie actuelle trois millions d’ArmÃ(c)niens et autant de Turcs ; l’autre moitiÃ(c) Ã(c)tait composÃ(c)e d’une vÃ(c)ritable mosaïque de peuples (Kurdes, Grecs, Assyro-ChaldÃ(c)ens, Lazes, Tcherkesses, etc.).
En 1914, les ArmÃ(c)niens n’Ã(c)taient plus que 2 250 000 (suite aux massacres, conversions forcÃ(c)es à l’islam et à l’exil). Dans l’Empire ottoman, les ArmÃ(c)niens subissaient une discrimination officielle. Ils Ã(c)taient considÃ(c)rÃ(c)s comme des citoyens de seconde catÃ(c)gorie qui devaient payer plus d’impôts. Ils n’avaient pas le droit de porter des armes (contrairement aux musulmans), ne pouvaient pas tÃ(c)moigner devant les tribunaux. Dans leur grande majoritÃ(c), les ArmÃ(c)niens Ã(c)taient des paysans pauvres qui devaient en plus subir les violences des nomades kurdes armÃ(c)s venant rÃ(c)gulièrement les rançonner.
Avec la dÃ(c)cadence de l’empire au XIXe siècle, la situation des ArmÃ(c)niens ne fit qu’empirer ; parallèlement, les peuples dominÃ(c)s s’Ã(c)mancipaient au fur et à mesure. La dÃ(c)claration d’indÃ(c)pendance de la Grèce en 1821 marqua le dÃ(c)but du dÃ(c)membrement de l’Empire ottoman. On peut situer le dÃ(c)but de l’Ã(c)mergence de la Question armÃ(c)nienne à la guerre russo-turque de 1877-1878. Après la dÃ(c)faite de la Turquie, le traitÃ(c) de San Stefano, signÃ(c) en mars 1878, accordait l’indÃ(c)pendance à la Serbie, au MontÃ(c)nÃ(c)gro, à la Roumanie et l’autonomie à la Bulgarie.
L’ArmÃ(c)nie obtint, pour sa part, d’après l’article 16, des rÃ(c)formes assurant la protection de ses habitants. Les ArmÃ(c)niens n’en demandaient pas plus à l’Ã(c)poque. La Russie, d’après ce traitÃ(c), annexait une partie de l’ArmÃ(c)nie turque et ne devait se retirer de l’autre partie (de l’ArmÃ(c)nie turque qu’elle occupait), seulement après l’application des rÃ(c)formes.
Mais l’Angleterre, ainsi que l’Allemagne et l’Autriche, voyaient d’un très mauvais œil la future et prÃ(c)visible indÃ(c)pendance de l’ArmÃ(c)nie. Quelques mois plus tard, au congrès de Berlin qui conduisit à la rÃ(c)vision du traitÃ(c) de San Stefano, l’Anglais Salisbury fit transformer l’article 16 en… 61, en y rajoutant une phrase assassine qui rendait très alÃ(c)atoire l’application des rÃ(c)formes. En guise de remerciements, l’Angleterre reçut comme cadeau des Turcs l’île de Chypre. Les reprÃ(c)sailles reprirent de plus belle. Des tribus kurdes organisÃ(c)es et armÃ(c)es par le gouvernement rÃ(c)pandaient plus que jamais la terreur dans les provinces armÃ(c)niennes, particulièrement les territoires d’où l’armÃ(c)e russe s’Ã(c)tait rÃ(c)cemment retirÃ(c)e.
En 1879, le Grand Vizir dÃ(c)clare : " Aujourd’hui, même l’intÃ(c)rêt de l’Angleterre exige que notre pays soit à l’abri de toute intervention Ã(c)trangère et que tout prÃ(c)texte à cette intervention soit Ã(c)liminÃ(c). Nous, Turcs et Anglais, non seulement nous mÃ(c)connaissons le mot ArmÃ(c)nie, mais encore nous briserons la mâchoire de ceux qui prononceront ce nom. Aussi, pour assurer l’avenir, dans ce but sacrÃ(c), la raison d’État exige que tous les Ã(c)lÃ(c)ments suspects disparaissent. Nous supprimerons donc et ferons disparaître à jamais le peuple armÃ(c)nien. Pour y parvenir rien ne nous manque : nous avons à notre disposition les Kurdes, les Tcherkesses, les gouverneurs de province, les percepteurs, les agents de police, en un mot tous ceux qui font la guerre sainte à un peuple qui n’a ni armes ni moyens de dÃ(c)fense. Nous, au contraire, nous avons une armÃ(c)e et des armes, et la protectrice de nos possessions en Asie Mineure est la plus grande et la plus riche des puissances du monde. "
L’intention des Turcs, dès 1879, de " faire disparaître à jamais le peuple armÃ(c)nien ", d’après les propres paroles du Grand Vizir, ne peut pas être plus claire.
 
La rÃ(c)sistance s’organise
 
Les ArmÃ(c)niens commencent bientôt à s’organiser. La première organisation de combat naît : c’est le parti Armenakan, crÃ(c)Ã(c) à Van en plein cœur de l’ArmÃ(c)nie, en 1885. Les deux autres partis, le Hentchak, crÃ(c)Ã(c) en 1887 à Genève et le Dachnak, crÃ(c)Ã(c) en 1890 à Tiflis, ont tous les deux des philosophies rÃ(c)volutionnaires marxistes et sont plutôt partisans d’actions violentes et spectaculaires ; ce qui n’est pas le cas des Armenakans.
Les fÃ(c)daïs armÃ(c)niens commencent à se faire connaître par leurs actions hÃ(c)roïques de dÃ(c)fense du peuple contre les Kurdes et l’armÃ(c)e turque. Ils suscitent toute une lÃ(c)gende populaire à travers de nombreux chants et poèmes. Nombreux furent ces hÃ(c)ros issus du peuple à vouer leur vie à la libÃ(c)ration de leur patrie. Le plus prestigieux d’entre eux fut sans aucun doute Antranik (1865-1927), originaire de Chabin-Karahissar (ArmÃ(c)nie mineure) et vÃ(c)nÃ(c)rÃ(c) par le peuple armÃ(c)nien.
 
Le GÃ(c)nocide
 
Face aux revendications armÃ(c)niennes, la riposte des autoritÃ(c)s turques fut radicale. Trois rÃ(c)gimes (Abdul Hamid, les Jeunes-Turcs et Kemal Attaturk) ont, de 1894 à 1922, appliquÃ(c) de diffÃ(c)rentes façons le même plan d’extermination des ArmÃ(c)niens avec son point culminant des annÃ(c)es 1915-1917.
Au printemps 1894, les habitants de Sassoun et sa rÃ(c)gion (à l’ouest du lac de Van) s’insurgèrent contre les Kurdes venus les rançonner pour la Ã(c)nième fois. Le sultan Abdul Hamid profita de cette occasion pour tester la rÃ(c)action des puissances europÃ(c)ennes. Il envoya sur Sassoun une vÃ(c)ritable armada : la 4e armÃ(c)e turque et la 26e division commandÃ(c)e par Zeki pacha, forte de 12 000 hommes, ainsi que 40 000 Kurdes armÃ(c)s jusqu’aux dents, qui se livrèrent à une vÃ(c)ritable boucherie qui dura plusieurs semaines. Les rÃ(c)actions des EuropÃ(c)ens, bien que parfois outragÃ(c)es, ne furent que verbales. C’est ce qu’attendait le sultan qui pouvait dÃ(c)sormais mettre en application son plan d’extermination à grande Ã(c)chelle, à travers tout l’empire, dès l’annÃ(c)e suivante.
La mÃ(c)thode Ã(c)tait toujours et partout la même : vers midi, on sonne le clairon, c’est le signal des tueries. PrÃ(c)alablement prÃ(c)parÃ(c)s, des soldats, des Kurdes, des Tcherkesses, des TchÃ(c)tchènes et des bandes de tueurs spÃ(c)cialement recrutÃ(c)s massacrent la population armÃ(c)nienne, sans distinction d’âge et de sexe. Dans les quartiers ou villages multinationaux, les maisons habitÃ(c)es par les ArmÃ(c)niens sont prÃ(c)alablement marquÃ(c)es à la craie par les indicateurs (troublante coïncidence, c’est la même mÃ(c)thode qui fut utilisÃ(c)e, lors des massacres des ArmÃ(c)niens d’Azerbaïdjan en 1988 et 1990).
Aucune rÃ(c)gion ne fut Ã(c)pargnÃ(c)e. Même la capitale, Constantinople, fut le thÃ(c)âtre de deux effroyables massacres. C’Ã(c)tait là peut-être l’erreur des Turcs, car il y avait à Constantinople des tÃ(c)moins oculaires occidentaux (ambassades, sociÃ(c)tÃ(c)s diverses, etc.). Après une sÃ(c)rieuse menace d’intervention militaire des Occidentaux, suite à la boucherie de Constantinople d’août 1896, qui Ã(c)tait consÃ(c)cutive à la prise en otage des dirigeants de la Banque ottomane par des fÃ(c)daïs armÃ(c)niens (du parti dachnak), le sultan arrêta enfin les massacres.
Deux ans (1894-1896) de massacres sans prÃ(c)cÃ(c)dent transformèrent donc l’ArmÃ(c)nie occidentale tout entière en un vaste champ de ruines. Le missionnaire allemand Johannes Lepsius mena une enquête minutieuse, au terme de laquelle il fit le bilan catastrophique suivant : 2 493 villages pillÃ(c)s et dÃ(c)truits, 568 Ã(c)glises et 77 couvents pillÃ(c)s et dÃ(c)truits, 646 villages convertis, 191 ecclÃ(c)siastiques tuÃ(c)s, 55 prêtres convertis, 328 Ã(c)glises transformÃ(c)es en mosquÃ(c)es, 546 000 personnes souffrant du dÃ(c)nuement le plus complet et de la famine… et il rajoute : " Ces chiffres sont le rÃ(c)sultat de mes recherches personnelles ; ils ne correspondent pas à la rÃ(c)alitÃ(c) des faits, rÃ(c)alitÃ(c) bien plus Ã(c)pouvantable encore ! … "
Compte tenu de ces donnÃ(c)es, des 300 000 personnes tuÃ(c)es, des 50 000 orphelins et des 100 000 rÃ(c)fugiÃ(c)s en Transcaucasie, la population armÃ(c)nienne de l’Empire ottoman diminua de plus d’un demi-million d’âmes entre 1894 et 1896.
En 1908, les Jeunes Turcs arrivèrent au pouvoir, apportant avec eux des promesses d’Ã(c)galitÃ(c) et de fraternitÃ(c) entre tous les peuples de l’empire. Beaucoup y ont cru. Les dirigeants du parti dachnak en premier (ils avaient d’ailleurs contribuÃ(c) à leur arrivÃ(c)e au pouvoir). Il y eut même de grandes manifestations de fraternitÃ(c) armÃ(c)no-turques dans la capitale et dans les provinces.
HÃ(c)las ! La mÃ(c)tamorphose des Jeunes Turcs fut fulgurante. Bientôt ils devinrent de farouches nationalistes panturquistes. Cela pourrait peut-être s’expliquer comme une consÃ(c)quence de la perte des provinces balkaniques. En effet, les Turcs, originaires d’Asie centrale, se retournèrent naturellement vers les pays et peuples frères situÃ(c)s en Asie centrale et en Azerbaïdjan (tous soumis au joug Ã(c)tranger, russe ou persan), d’où la tentation de crÃ(c)er un très vaste État turc du Bosphore à la Chine. De surcroît, les Jeunes Turcs considÃ(c)raient la race turque comme supÃ(c)rieure. L’ArmÃ(c)nie et les ArmÃ(c)niens se trouvant au centre de ce projet, il Ã(c)tait impÃ(c)ratif, d’après cette logique raciste et barbare, de les Ã(c)liminer.
Dès avril 1909 des massacres commencent en Cilicie, d’abord à Adana, puis dans le reste de la rÃ(c)gion. Les Jeunes Turcs se montrent les dignes hÃ(c)ritiers du " sultan rouge ". Il ne manquera rien à leur panoplie des cruautÃ(c)s. Il y aura au total 30 000 morts. Certains attribuèrent les massacres de Cilicie à l’ancien rÃ(c)gime du sultan, revenu un court moment au pouvoir, mais les vrais responsables Ã(c)taient bien les Jeunes Turcs. En 1913, les trois dirigeants de l’Ittihat, Talaat, Enver et Djemal, Ã(c)tablissent une dictature militaire.
À la veille de la guerre, les rÃ(c)formes en ArmÃ(c)nie avaient paradoxalement bien avancÃ(c). MalgrÃ(c) les rÃ(c)ticences de l’Allemagne et de l’Autriche, les puissances europÃ(c)ennes parvinrent à un règlement de compromis qui regroupait les sept provinces armÃ(c)niennes sous la forme de deux grandes rÃ(c)gions administratives autonomes (au nord : Sivas, TrÃ(c)bizonde, Erzeroum ; au sud : Van, Bitlis, Dyarbekir, Kharpout), le tout sous la surveillance d’inspecteurs gÃ(c)nÃ(c)raux europÃ(c)ens de pays neutres. Ainsi, l’ArmÃ(c)nie, après tant d’annÃ(c)es de souffrance, Ã(c)tait parvenue au seuil de l’indÃ(c)pendance. Malheureusement, tout autre Ã(c)tait le sort qui lui Ã(c)tait rÃ(c)servÃ(c) par les dirigeants turcs, qui avaient dÃ(c)jà secrètement programmÃ(c) la solution finale. La guerre allait procurer aux Jeunes Turcs les conditions idÃ(c)ales pour mettre en application leur plan diabolique.
Avant même que la guerre n’Ã(c)clate en Europe, le gouvernement envoie des gendarmes dans les villes et les villages pour rÃ(c)quisitionner les armes. Cette rÃ(c)quisition est limitÃ(c)e aux ArmÃ(c)niens ; ni les Turcs, ni les Kurdes, ni les Tcherkesses n’y sont astreints. Elle est accompagnÃ(c)e de l’arsenal connu des plus cruelles tortures. Plus grave encore, dès août 1914, les inspecteurs gÃ(c)nÃ(c)raux europÃ(c)ens nouvellement nommÃ(c)s dans les rÃ(c)gions armÃ(c)niennes sont expulsÃ(c)s ; sans que la guerre ne soit dÃ(c)clarÃ(c)e l’Empire turc procède dÃ(c)jà à la mobilisation gÃ(c)nÃ(c)rale et met sur pied la redoutable " Organisation spÃ(c)ciale ", chargÃ(c)e de coordonner le programme d’extermination.
Le 29 octobre 1914, la Turquie s’allie à l’Allemagne et entre en guerre contre les AlliÃ(c)s. Le champ est dÃ(c)sormais libre. Dès janvier 1915, on dÃ(c)sarme les 250 000 soldats armÃ(c)niens de l’armÃ(c)e ottomane pour les affecter dans des " bataillons de travail ". À l’aube du 24 avril, qui deviendra la date commÃ(c)morative, le coup d’envoi du gÃ(c)nocide est donnÃ(c) par l’arrestation à Constantinople de 650 intellectuels et notables armÃ(c)niens. Dans les jours suivants, ils seront en tout 2 000, dans la capitale, à être arrêtÃ(c)s, dÃ(c)portÃ(c)s et assassinÃ(c)s. Dans tout l’Empire ottoman, c’est le même scÃ(c)nario : on arrête puis on assassine partout les Ã(c)lites armÃ(c)niennes. Le peuple armÃ(c)nien est dÃ(c)capitÃ(c).
Les soldats armÃ(c)niens affectÃ(c)s dans les " bataillons de travail " seront assassinÃ(c)s par petits groupes, le plus souvent après avoir creusÃ(c) eux-mêmes les " tranchÃ(c)es " qui leurs serviront de fosses communes. Le peuple armÃ(c)nien est non seulement dÃ(c)capitÃ(c), mais il est dorÃ(c)navant privÃ(c) de ses dÃ(c)fenseurs. Il ne reste plus aux dirigeants de l’Ittihat qu’à achever le gÃ(c)nocide.
 
La déportation – la solution finale
 
L’idée est nouvelle et terriblement efficace: c’est la dÃ(c)portation de toutes les populations civiles armÃ(c)niennes vers les dÃ(c)serts de Syrie pour des prÃ(c)tendues raisons de sÃ(c)curitÃ(c). La destination rÃ(c)elle est la mort.
D’après l’ambassadeur des États-Unis à Constantinople de 1913 à 1916, Henri Morgenthau, ainsi que d’après certains historiens, les Turcs n’auraient jamais trouvÃ(c) tout seuls cette idÃ(c)e. Ce seraient les Allemands qui auraient suggÃ(c)rÃ(c) cette nouvelle mÃ(c)thode. D’ailleurs, pendant toute la guerre, la mission militaire allemande Ã(c)tait omniprÃ(c)sente en Turquie, et il est vrai qu’un gÃ(c)nÃ(c)ral allemand, Bronsart Von Schellendorf, avait (imprudemment) signÃ(c) un ordre de dÃ(c)portation avec une recommandation spÃ(c)ciale de prendre des " mesures rigoureuses " à l’Ã(c)gard des ArmÃ(c)niens regroupÃ(c)s dans les " bataillons de travail ". Or " dÃ(c)portation " et " mesures rigoureuses " Ã(c)taient des mots codÃ(c)s qui signifiaient la mort. Quant au commandant Wolffskeel, comte de Reichenberg, chef d’Ã(c)tat-major du gouverneur de Syrie, il s’Ã(c)tait distinguÃ(c) lors des massacres des populations de Moussa-Dagh et d’Urfa.
À la fin de 1915, à l’exception de Constantinople et Smyrne, toutes les populations civiles armÃ(c)niennes de l’Empire ottoman avaient pris le chemin mortel de la dÃ(c)portation vers un point final : Deir ez-Zor en Syrie.
Les convois de dÃ(c)portation Ã(c)taient formÃ(c)s par des regroupements de 1 000 à 3 000 personnes. Très rapidement, on sÃ(c)pare des convois les hommes de plus de 15 ans qui seront assassinÃ(c)s à l’arme blanche par des Ã(c)quipes de tueurs dans des lieux prÃ(c)vus à l’avance. Parfois les convois sont massacrÃ(c)s sur place, à la sortie des villages ou des villes, notamment dans les provinces orientales isolÃ(c)es. Les autres, escortÃ(c)s de gendarmes, suivront la longue marche de la mort vers le dÃ(c)sert, à travers des chemins arides ou des sentiers de montagne, privÃ(c)s d’eau et de nourriture, rapidement dÃ(c)shumanisÃ(c)s par les sÃ(c)vices, les assassinats, les viols et les rapts de femmes et d’enfants perpÃ(c)trÃ(c)s par les Kurdes et les Tcherkesses. Les survivants, arrivÃ(c)s à Deir ez-Zor, seront parquÃ(c)s dans des camps de concentration dans le dÃ(c)sert et seront exterminÃ(c)s, par petits groupes, par les tueurs de l’Organisation spÃ(c)ciale et les TchÃ(c)tchènes spÃ(c)cialement recrutÃ(c)s pour cette besogne. Beaucoup seront attachÃ(c)s ensemble et brûlÃ(c)s vifs.
À la fin de 1916, le bilan est celui d’un gÃ(c)nocide parfait, les deux tiers des ArmÃ(c)niens (environ 1 500 000 personnes) de l’Empire ottoman sont exterminÃ(c)s. Tous les ArmÃ(c)niens des provinces (vilayets) orientales, soit 1 200 000 personnes, d’après les statistiques du patriarcat, disparaissent dÃ(c)finitivement d’un territoire qui Ã(c)tait le cœur de l’ArmÃ(c)nie historique depuis des millÃ(c)naires. Seuls survivent encore les ArmÃ(c)niens de Constantinople, de Smyrne, quelque 350 000 personnes qui ont rÃ(c)ussi à se rÃ(c)fugier en ArmÃ(c)nie russe, quelques poignÃ(c)es de combattants armÃ(c)niens qui rÃ(c)sistent et se cachent encore dans la montagne et des milliers de femmes, de jeunes filles et d’enfants rÃ(c)cupÃ(c)rÃ(c)s par des Turcs, des Kurdes et des Arabes.
Il y eut tout de même de nombreux actes hÃ(c)roïques en certains endroits. PrÃ(c)voyant ce qui allait être leur destin, les ArmÃ(c)niens refusèrent la dÃ(c)portation et rÃ(c)sistèrent dÃ(c)sespÃ(c)rÃ(c)ment, avec des moyens dÃ(c)risoires, à Chabin-Karahissar, Van, Chatakh, Moussa-Dagh, Urfa, Sassoun, Mouch13, etc. Le plus cÃ(c)lèbre de ces Ã(c)pisodes est celui des " Quarante jours du Moussa-Dagh ", immortalisÃ(c) par le roman de Franz Werfel : sur cette montagne de la côte mÃ(c)diterranÃ(c)enne, une population de 5 000 personnes (principalement des femmes et des enfants), dont 600 combattants, rÃ(c)sistèrent plus de 40 jours au siège de l’armÃ(c)e turque. Les survivants (environ 4 000 personnes) furent sauvÃ(c)s par le vaisseau français Jeanne d’Arc.
 
Le parachèvement
 
L’énie occidentale Ã(c)tait anÃ(c)antie, mais les Turcs ne s’arrêtèrent pas là. Profitant de la retraite de l’armÃ(c)e russe consÃ(c)cutive à la rÃ(c)volution de 1917, la Turquie lança une offensive sur l’ArmÃ(c)nie orientale (russe). Elle fut arrêtÃ(c)e au dernier moment par une fantastique mobilisation populaire le 24 mai 1918 à Sardarapat, près d’Erevan. Le 28 mai, l’ArmÃ(c)nie (ce qu’il en restait) proclamait son indÃ(c)pendance et devenait, après des siècles de dominations diverses, la première RÃ(c)publique d’ArmÃ(c)nie.
La capitulation, le 30 octobre 1918, de l’Empire ottoman, suscita de vastes espoirs chez les ArmÃ(c)niens survivants. Effectivement, au dÃ(c)but, les AlliÃ(c)s vainqueurs semblaient tenir leurs promesses de rendre justice aux ArmÃ(c)niens. Le traitÃ(c) de Sèvres accordait l’existence d’un État armÃ(c)nien sur une bonne partie des provinces orientales de l’ex-Empire ottoman. En 1919, il y eut même un " Nuremberg " avec le " Procès des Unionistes " à Constantinople. Les principaux responsables du gÃ(c)nocide s’Ã(c)taient enfuis en Allemagne ; ils furent nÃ(c)anmoins condamnÃ(c)s à mort par contumace. Si ce procès resta sans suite, il a toutefois le mÃ(c)rite d’avoir existÃ(c) et prouvÃ(c) (si besoin Ã(c)tait) la vÃ(c)racitÃ(c) du gÃ(c)nocide, grâce entre autres à ses minutes et conclusions publiÃ(c)es dans le supplÃ(c)ment judiciaire du " Journal officiel " ottoman.
Mais la Turquie vaincue ne fut jamais dÃ(c)mobilisÃ(c)e. Bientôt, face au danger bolchevique et afin d’y faire face, les AlliÃ(c)s se montrèrent de plus en plus bienveillants envers la Turquie qui allait bientôt renaître de ses cendres.
À peine arrivÃ(c) au pouvoir, Mustafa Kemal se donna comme prioritÃ(c)… la liquidation du reste de la prÃ(c)sence armÃ(c)nienne en Turquie. Jouant astucieusement et parallèlement des appuis bolcheviques et franco-anglais selon la circonstance, il attaqua et Ã(c)crasa dans un bain de sang (faisant 200 000 victimes) la RÃ(c)publique d’ArmÃ(c)nie de septembre à dÃ(c)cembre 1920, qui ne dut sa survie qu’à l’intervention in extremis des troupes bolcheviques. Annulant le traitÃ(c) de Sèvres, Turcs et bolcheviques s’accordèrent sur les frontières d’une ArmÃ(c)nie rÃ(c)duite au minimum. Une bonne partie de l’ArmÃ(c)nie ex-russe (20 000 km²) Ã(c)tait cÃ(c)dÃ(c)e à la Turquie ; le Karabagh et le Nakhitchevan aux AzÃ(c)ris.
À mille kilomètres de distance de la RÃ(c)publique d’ArmÃ(c)nie, les Français avaient crÃ(c)Ã(c), en 1919, un foyer armÃ(c)nien en Cilicie (Petite ArmÃ(c)nie), sur les bords de la MÃ(c)diterranÃ(c)e, où 160 000 ArmÃ(c)niens rescapÃ(c)s du gÃ(c)nocide Ã(c)taient retournÃ(c)s dans leur foyer. MalgrÃ(c) la prÃ(c)sence des Français, les troupes de Kemal massacrèrent, en 1920, plus de 25 000 ArmÃ(c)niens à Aïntap, Marach, Zeïtoun, Hadjin et ailleurs. Finalement, la France abandonnait les ArmÃ(c)niens à leur sort en 1921 et bradait la Cilicie aux Turcs, ce qui provoqua l’exode de tous les ArmÃ(c)niens de Cilicie vers la Syrie et le Liban.
En 1922, à Smyrne, les ArmÃ(c)niens furent massacrÃ(c)s (en même temps que les Grecs) pour la dernière fois en Turquie. Il s’ensuivit une dernière et importante vague d’exode. Tous les ArmÃ(c)niens (survivants) revenus dans leurs foyers après l’armistice de 1918 furent systÃ(c)matiquement chassÃ(c)s.
Si le gros du travail du gÃ(c)nocide avait Ã(c)tÃ(c) fait par Abdul Hamid et les Jeunes Turcs, c’est bien Kemal Ataturk qui l’a parachevÃ(c) en s’appropriant, en même temps, tous les biens nationaux et individuels des ArmÃ(c)niens. Depuis, tous les gouvernements successifs de la RÃ(c)publique turque, fondÃ(c)e sur les ruines de l’ArmÃ(c)nie, ont toujours niÃ(c) la culpabilitÃ(c) de la Turquie dans le gÃ(c)nocide des ArmÃ(c)niens.
En 1923, la ConfÃ(c)rence de Lausanne annula les accords signÃ(c)s à Sèvres entre la Turquie et les AlliÃ(c)s. Winston Churchill Ã(c)crivit dans ses mÃ(c)moires : " Dans le traitÃ(c) qui Ã(c)tablit la paix entre la Turquie et les AlliÃ(c)s, l’histoire cherchera en vain le mot ArmÃ(c)nie. "
*Texte extrait du livre LE GOLGOTHA DE L’ARMENIE MINEURE, par Jean-Varoujean GUREGHIAN
 
 
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