Publication: 23 mai 2007
La conférence a été organisée par l’Association des Arméniens Démocrates de Belgique, les Associations Assyriennes de Belgique, l’Institut Kurde de Bruxelles et la Fondation Info-Türk.
L’interprétation des interventions a été assurée par Bahar Kimyongür, qui a lui-même été victime de la violation de la liberté d’expression en Belgique sous la préssion du régime militariste turc.
A l’ouverture de la soirée, le président de la Fondation Info-Türk, Dogan Özgüden, a attiré l’attention sur l’importance de la tenue de cette conférence dans une période où l’armée turque trompe une fois de plus l’opinion publique en se présentant comme défenseur de la laïcité.
Après la présentation de deux orateurs, Ragip Zarakolu a fait un exposé historique sur le militarisme dans le monde et plus particulièrement en Turquie. Il a mis accent sur le statut dominant de l’Armée non seulement dans les affaires militaires mais également sur les plans politiques, économiques et de relations extérieures.
Attirant l’attention sur le fait que la liberté d’expression a toujours été violée en Turquie par l’Armée, soit directement lors des périodes de guerre et de loi martiale soit indirectement par l’exercice de la pression sur les instances politiques, Zarakolu a dit : "L’assassinat de Hrant Dink est une conséquence directe du militarisme en Turquie. Il avait invoqué, dans un de ses écrits récents, l’origine de la fille adoptive d’Atatürk. Pour cela, l’Armée a mobilisé toutes les forces répressives et subversives contre lui… "
"Le militarisme, à l’heure actuelle, constitue l’obstacle majeur dans le processus d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Le militarisme ne veut pas abandonner sa position hégémonique sur la société turque. C’est la raison pour laquelle l’Armée a mobilisé depuis deux ans toutes les forces ultranationalistes.
"Actuellement la Turquie se trouve dans une crise profonde. La presse internationale la décrit comme un conflit entre des Islamistes et des Laïcs. ‘Nous constituons le front de défense de l’Occident contre le fondamentalisme et la réaction islamiste,’ disent-ils. Dans le passé, le militarisme avait utilisé ‘la menace communiste’ pour justifier sa domination. Aujourd’hui, elle parle des menaces islamiste ou kurde…
"On peut trouver très pessimiste le tableau que je viens de vous présenter. Quand même il y a une lueur d’espoir aux élections du 22 juillet. Je pense que face à la mobilisation des forces ultranationalistes, tous les démocrates, progressistes, socialistes, révolutionnaires et tous les citoyens de sensibilités différentes doivent se mobiliser. Ainsi les candidats indépendants démocrates peuvent faire leur entrée à l’Assemblée nationale. Depuis vingt ans se développe en Turquie un potentiel de votes de protestation. Valoriser ce potentiel de protestation pour qu’il devienne un véritable alternatif, c’est un devoir qui incombe aux forces démocrates, progressistes et socialistes."
Zarakolu, en réponse à une question concernant le passé et les perspectifs de la gauche en Turquie, a mis accent sur le rôle important du mouvement national kurde :
"Le militarisme a toujours pris comme cible principale les révolutionnaires et les intellectuels quelles que soient leurs origines. C’est la raison pour laquelle, à chaque intervention militaire, les révolutionnaires et les intellectuels ont été sauvagement écrasés dans l’oeuf. Par exemple, l’opération génocidaire contre le peuple arménien par l’Armée en 1915 s’est déclenchée avec l’arrestation des leaders du mouvement révolutionnaire arménien et plusieurs intellectuels arméniens. En effet, dans un document officiel publié en 1916, le gouvernement ottoman affirmait que le responsable principal des évènements de 1915 aurait été des révolutionnaires arméniens.
"Il était le cas aussi dans la justification des coups d’état de 1971 et 1980. Toutefois, l’Armée turque a subi un echec important lors de son régime répressif après le coup d’état de 1980. Il s’agissait de la naissance du mouvement de libération kurde en résistance contre la répression militaire. Actuellement, la seule force qui pourra préparer l’écroulement du régime militariste est l’alliance de toutes les forces démocratiques et progressistes du pays avec le mouvement de libération kurde."
Erol Özkoray, à son tour, a fait un exposé précis sur les mécanismes de la domination militariste en Turquie :
"Le véritable pouvoir en Turquie est l’Armée. Le gouvernement n’est qu’un organe pour la gestion des affaires courantes. L’armée exerce son pouvoir grâce à plusieurs instruments comme la Constitution de 1982, le Conseil national de la Sûreté ou le Document politique pour la sûreté nationale, qui est appelée également la constitution confidentielle de l’Etat.
"Un autre moyen qu’utilise l’Armée est de provoquer et déclencher, si nécessaire, des crises externes ou internes. Le prétexte de créer une crise est la nécessité urgente de combattre les ennemis internes et externes. Les ennemis internes sont des Kurdes ou des Islamistes. La crise externe est en général liée à la Grèce.
"L’Armée, depuis 1908, a fait 31 interventions dans la vie politique, soit en forme de coups d’état ou tentatives de coup d’état soit en forme d’envoi d’un mémorandum au gouvernement ou en organisant un défilé de blindés dans la ville. La dernière intervention était la diffusion d’un mémorandum sur le site de l’Etat-major.
"En dehors de ces interventions ponctuelles, la Turquie vit dans un système de coups d’état permanents. Chaque réunion du Conseil national de la Sûreté constitue en soi un nouveau coup d’état.
"En ce qui concerne la liberté d’expression, l’article 90 de la Constitution actuelle stipule que les conventions internationales comme la Convention européenne des droits de l’Homme prévaillent sur les lois nationales. Ainsi, tous les articles répressifs comme l’Article 301 du code pénal turc sont d’office caducs. Malgré cela, ces articles répressifs sont pleinement utilisés contre tous les opposants et aucun tribunal ne conteste l’application de ces articles. Tant que la domination militariste sur la société turque se poursuit, il est impossible d’attendre une véritable démocratisation et un respect total d e la liberté d’expression en Turquie."
Le texte complet des interventions sera prochainement publié par la Fondation Info-Türk.
*) Voir l’article profond d’Özkoray sur le militarisme en Turquie : "L’Armée turque au coeur du pouvoir"
http://www.info-turk.be/345.htm#Zarakolu_
 
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