Le célèbre maffieux Yalçin Özbey membre du mouvement fasciste turc des Loups Gris résidant en Belgique de longue date, vient de bénéficier de l’impunité dans le meurtre d’Ipekçi conformément à l’article 104/2 du Code pénal turc qui fixe la prescription maximale à 30 ans[1].
 
Seul Mehmet Ali Agca, celui qui tirera plus tard sur le Pape Jean-Paul II, fut à l’époque arrêté et condamné dans l’affaire de l’assassinat du journaliste. Özbey, quant à lui, échappera à toute poursuite. Grâce à ses liens privilégiés avec les services secrets turcs et américains, le 23 novembre 1979, il parviendra même à organiser l’évasion de son comparse Agca, d’une prison militaire d’Istanbul.
 
Né en 1955 à Malatya, Yalçin Özbey, est devenu dans les années 1970 une figure de proue du mouvement fasciste, semant la terreur contre les forces de gauche[2].
 
Avec les maffieux assassins Abdullah Catli, Oral Celik et Mehmet Ali Agca, il fait partie du Gladio turc, une organisation terroriste d’extrême drtoite créée par l’OTAN pour lutter contre le communisme.
 
Après l’arrivée au pouvoir de la junte du général Evren en 1980 qui poursuivit le plan d’éradication de la gauche des Loups Gris, Yalçin Özbey et ses sbires ont été chargés par leur mouvement fasciste de commettre des assassinats  à l’étranger. Ils avaient dans leurs poches, des passeports diplomatiques délivrés par le régime militaire turc.
 
En 1981, Özbey participa à l’attentat contre le Pape Jean-Paul II et ce, de l’aveu même de son compagnon d’arme, le tireur, Mehmet Ali Agca.
 
En 1983, Özbey refait surface à Bochum en Allemagne à la tête d’une association de Loups Gris. Le 16 octobre 1983, il est arrêté dans ce local. La police allemande découvre en sa possession deux faux passeports, un cachet de l’ambassade de Turquie, des cachets appartenant à plusieurs institutions turques et un revolver Unic 7,65 mm .
 
Özbey négocie sa libération en échange de sa collaboration avec les services secrets allemands. Ces derniers lui proposent de contacter ses complices inculpés dans le procès de Rome pour qu’ils imputent l’attentat contre le Pape aux services secrets bulgares[3].
 
On connaît les conséquences de cette intox dans le procès de Rome.
 
Il est libéré trois mois plus tard sans être inquiété par la demande d’extradition turque.
 
Dix ans plus tard, il est à nouveau arrêté en Allemagne avec en sa possession 1,5 kg d’héroïne. Condamné à quatre ans de prison pour trafic de drogue, il échappe une fois de plus à toute procédure d’extradition vers la Turquie. Et pour cause : il contacte l’ambassade turque pour lui proposer ses services en échange d’une cessation de poursuites en Turquie et d’une nouvelle identité. Naim Aydin, responsable de la liaison avec la Sûreté turque de l’ambassade lui rend visite.[4] On imagine la suite.
 
Par ailleurs, deux agents des services secrets turcs (MIT) l’interrogent sur sa participation à l’assassinat du journaliste Ipekçi durant sa détention en Allemagne. En 1999, lorsque les juges de la 4e Cour d’assises d’Istanbul demandent les enregistrements de cet interrogatoire, la Sûreté turque rétorqua que ceux-ci ont été détruits. Mais à l’issue de ce procès intenté contre Oral Celik, ces enregistrements refont curieusement surface.
 
Dès sa sortie de prison en 1997, Özbey s’installe en Belgique.
Les autorités turques demandent son extradition à la Belgique en 1997 et 1999, demandes refusées au motif qu’à l’époque, la législation turque prévoyait la peine de mort.
 
En mars 2006, le malfrat récidive : il est arrêté à Schaerbeek dans un night shop pour " recel d’objets volés ". En fait, Özbey est accusé d’avoir entreposé des marchandises " tombées du camion " dans l’un de ses hangars.[5]
 
C’est l’époque où la soustraction à la justice belge de la militante du DHKP-C (Parti-Front révolutionnaire de libération du peuple, marxiste) Fehriye Erdal souleva une tempête d’indignation et de protestations dans les chancelleries.
 
La remise en liberté du fasciste Yalçin Özbey par un juge d’instruction bruxellois, un mois à peine après son arrestation, n’a en revanche suscité aucun émoi, ni à Bruxelles, ni à Ankara.
Une série de questions s’imposent au lecteur averti devant un tel double standard avec :
 
–         d’un côté, une Fehriye Erdal qui vient d’avoir 32 ans et qui a passé près de la moitié de sa vie à fuir des nervis sans scrupules comme Özbey et de l’autre, un Yalçin Özbey qui tuait des opposants politiques sous la protection de forces occultes à une époque où Fehriye n’était encore qu’un bébé.
 
–         d’un côté, une Fehriye Erdal qui est menacée d’extradition vers un Etat impitoyable à l’égard des militants de gauche et de l’autre, un Yalçin Özbey qui bénéficie d’une mansuétude consternante tant de la part des autorités belges que turques.
 
–         d’un côté, une Fehriye Erdal qui est en attente de son quatrième procès dans le cadre de l’affaire de Knokke et qui va être jugée en Belgique pour sa participation présumée à un attentat commis à Istanbul contre l’élite financière turque et de l’autre, un Yalçin Özbey, impuni sur toute la ligne dans d’innombrables affaires de meurtres et de tentatives de meurtre visant l’élite intellectuelle turque et de petites gens qui rêvaient d’une Turquie meilleure.
 
Cherchez l’erreur.
 
Cherchez l’erreur avant que d’autres assassins, comme Muhammed Nuh Kiliç, condamné en Turquie pour sa participation à l’incendie de l’hôtel de Sivas en juillet 1993 dans lequel périrent 37 intellectuels mais vivant actuellement en Allemagne en toute impunité[6], ne bénéficient eux aussi de l’imprescriptible.
 
Cherchez l’erreur avant que le couperet de la justice des puissants ne tombe une nouvelle fois sur d’honnêtes militants qui, comme Fehriye Erdal, sont persécutés, stigmatisés et saignés à blanc à chaque instant de leur existence.
 
 
Bahar Kimyongür
Le 28 février 2009

 

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