Alors que le Conseil de transmission de la mémoire créé par la Communauté française pour épauler le décret mémoire est à peine installé – LLB de vendredi – le débat sur le négationnisme rebondit à propos du génocide des Arméniens.

En effet, le Comité des Arméniens de Belgique mais aussi le Comité de coordination des organisations juives de Belgique (CCOJB) et Ibuka-Belgique (qui se bat pour la reconnaissance du génocide des Tutsis au Rwanda) font ensemble monter la pression sur le monde politique. Ils rappellent que "durant la campagne des élections régionales de 2004, des candidats issus des partis démocratiques francophones avaient ouvertement contesté la réalité du génocide des Arméniens et plaidé pour le démantèlement du monument élevé à Ixelles en mémoire de ses 1 500 000 victimes. Or, il se fait que l’un de ces négateurs, le socialiste Emir Kir s’est ensuite vu offrir un portefeuille ministériel au sein de l’Exécutif bruxellois". 

Pire, selon les comités précités, "les partis de la coalition gouvernementale lui ont plus tard renouvelé leur confiance et cela en dépit du jugement prononcé le 28 octobre 2005 par la 14e chambre du Tribunal de première instance de Bruxelles qui avait établi que la qualification de "négationniste" dans le chef de M. Kir (…) n’est nullement fautive" . 

Comme prévenir vaut mieux que guérir, le Comité des Arméniens de Belgique, le CCOJB et Ibuka-Belgique appellent à cet égard solennellement les partenaires des futures coalitions "à mettre fin à des années de complaisance et d’impunité pour celles et ceux encore tentés de nier la réalité du génocide des Arméniens" . 

Un message direct pour le gouvernement bruxellois en gestation ? 

Entretien avec Mehmet Koksal: "PS et CDH, les plus clientélistes"

Martin Buxant, La Libre Belgique, 4 juillet 2009

Comment se porte le vote communautaire en Région bruxelloise ?

A Bruxelles, ce qui fonctionne, c’est le communautarisme. L’exacerbation de certaines tensions communautaires, c’est payant en terme électoral. A l’inverse, les candidats qui ont un profit plus effacé, qui défendent un intérêt général plutôt que celui de certains groupes, n’arrivent plus à se faire élire. Le meilleur exemple est celui de Rachid Madrane qui a fait du bon boulot lors de la dernière législature mais n’a pas sombré dans la tendance communautaire : ce genre de profil – bien que soutenu par l’appareil du parti – ne plaît plus à l’électeur.

Quels sont les partis qui jouent le plus la carte ethnique/communautaire ?

Incontestablement, ce sont le PS et le CDH. La plupart de l’électorat communautaire n’est pas un électorat politisé, c’est un électorat que ces partis ramènent vers eux par un clientélisme très exacerbé. Ecolo et le MR, en revanche, ont des électeurs très politisés et s’ils jouaient la carte du communautarisme, ils risqueraient de perdre une partie de leurs électeurs. PS et CDH jouent avec des électeurs qui ne voient la politique que comme un moyen d’obtenir un service ou un passe-droit : " Je vais demander à mon bourgmestre ou à mon échevin ceci ou cela ." Secundo, les allocations de chômage. Dans des communes populaires comme Saint-Josse, Schaerbeek ou Molenbeek, des candidats PS et CDH ont sillonné les rues en disant que la droite allait supprimer le chômage. Or, tout le monde est affecté par le chômage dans ces quartiers…

Le facteur religieux confère-t-il un avantage au CDH ?

Le CDH se caractérise par un double discours patent : on agit d’une manière, puis on prêche l’inverse par communiqué de presse. Le CDH part avec un certain avantage sur le PS puisque, outre le vote musulman, il peut aussi compter sur l’électorat évangéliste noir – avec Bertin Mampaka et Pierre Migisha qui ont mené campagne dans les églises de Bruxelles.

Pourquoi Ecolo ne marque-t-il pas de points sur le terrain du vote ethnique ?

Parce que les communautés religieuses sont généralement conservatrices sur le plan des valeurs. Et là où Ecolo se montre ouvert sur le port du voile et pourrait marquer des points, on a directement des candidats du CDH pour rappeler qu’Ecolo est très ouvert, aussi, sur le plan des droits des homosexuels – ce que n’apprécient généralement pas les communautés religieuses.

Y a-t-il des différences d’approche pour conquérir l’électorat turc et marocain ?

Pour les Turcs : vous pouvez être aussi progressiste ou musulman que vous le voulez, si vous n’êtes pas Turc, on ne votera pas pour vous, c’est certain. Ensuite, on votera pour un candidat issu de la même région d’origine que soi en Turquie, c’est un sous-régionalisme. Pour les Marocains, il faudra que les candidats défendent à fond les intérêts du Maroc. Au MR, par exemple, ils avaient placé une employée locale de l’ambassade marocaine à Bruxelles sur leur liste européenne. Et il y a un autre vote communautaire qui fonctionne bien au MR : c’est le vote juif sioniste.

Pensez-vous que les limites du vote communautaire aient été atteintes à Bruxelles ?

Non, je pense que cela va encore se développer pendant dix ou quinze ans avant qu’on voit les limites d’un tel modus operandi. On a d’ailleurs quinze ans de retard sur les Pays-Bas en la matière. Et on pourrait bien voir un Pim Fortuyn local émerger, une sorte de Rudy Aernoudt, qui se dresserait contre certaines dérives du vote communautaire. 

Elisez-moi (en turc, arabe, etc.)

C’est une mare au clientélisme, un étang de pratiques douteuses, dont le reporter indépendant Mehmet Koksal a fait le tour durant la campagne pour les dernières élections régionales bruxelloises (1).

Chroniquant, jour après jour, pied à pied, les faits majeurs et petites anecdotes de la campagne menée par des candidats allochtones, Koksal livre un brûlot de quasi 200 pages où sont, notamment, consignés les travers des partis dans leur chasse aux suffrages des populations d’origine immigrée. On y retrouve des copies de tracts, des courriers, ou encore des SMS (lire ci-contre), que ces candidats au phrasé parfois (très) direct ont expédiés aux électeurs bruxellois.

Dès le mois d’avril, Mehmet Koksal épingle dans ses chroniques le "cas" Mahinur Ozdemir – avec une première interview de cette candidate CDH d’origine turque qui a prêté serment voilée. Le récit des recadrages des photos de campagne de la candidate par le CDH afin d’effacer le voile d’Ozdemir est livré. Un récit qui fera bondir l’Etat-major orange : celui-ci expédiera un communiqué démentant des informations pourtant exactes. Koksal retrouve aussi la trace d’un entretien donné par la même Mahinur Ozdemir au quotidien turc "Zaman", dans lequel celle-ci explique : "Ceux qui donnent des leçons de démocratie à la Turquie me font subir aujourd’hui les mêmes injustices au sein du parti." Elle y évoque aussi "des interdictions de parler à la presse de l’intérieur du parti" . Aujourd’hui, Mahinur Ozdemir dément avoir tenu de tels propos à "Zaman".

Tenez : il y a cet appel des responsables d’une importante mosquée turque bruxelloise à voter pour le secrétaire d’Etat PS Emir Kir. "Pour échapper aux sanctions si vous ne votez pas, prenez contact avec le cabinet d’Emir Kir, il vous indiquera comment avoir des procurations", a lancé le président de la mosquée Hicret à ses fidèles peu avant l’élection. Le flou entretenu par les élus d’origine turque quant à la reconnaissance du génocide arménien est également pointé. Ainsi aucun élu PS n’a-t-il jugé utile de se déplacer pour la récente commémoration du génocide arménien.

Il y a ce franc-parler dont font preuve certains élus allochtones et que Koksal relate, sans tourner autour du pot. C’est un candidat PS Mohamed Errazi qui s’emballe : "Tu as vu ce qu’ils ont fait comme liste, ces salopards ? On va encore travailler pour les blancs de la liste !" C’est Halis Kökten, un candidat sur la liste du CDH, qui éructe lors de la confection de la liste bruxelloise humaniste : " On me propose la 12e place, alors qu’il y a trois Marocains et un Noir dans les dix premiers." Il menace de démissionner, car Joëlle Milquet lui avait promis "la 10 e place" , puis se fait alpaguer par des candidats d’origine marocaine du CDH pour les avoir traiter de "cafards" .

Rayon Mouvement réformateur, la propension de certains élus à faire une propagande massive dans la presse d’obédience juive est largement abordée. L’Ixellois Yves de Jonghe est épinglé pour un courrier envoyé aux autres membres du groupe MR où il commet un amalgame entre les terroristes jihadistes et musulmans – un courriel pour lequel il a formellement présenté des excuses. Et le Woluwéen Willem Draps est cloué au pilori pour avoir produit une fausse lettre sur le solde migratoire durant la campagne électorale.

Un coup de projecteur sur cette ruée vers le vote communautaire. Eclairant.(La Libre Belgique, M. Bu, 4 juillet 2009)

(1) "Bruxelles 2009, l’autre campagne"; 184 pp.; Ed.
Lulu. -www.lulu.com

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